- C'est qui, cette fille ?
- Elle ?
- Oui.
- Ana Girardot, voyons.
- Elle est assez jolie.
- Dans la vie, pas trop.
- Ah bon ?
- Tu te souviens, je l'ai vue dans Romeo et Juliette. J'avais pris un verre avec Valentine après, et elle était là, au bar. Elle est assez menue, presque maigre, l'air de rien. Mais elle est très jolie sur les photos.
- Fais voir. Elle est super bien maquillée, très retouchée.
- Tu peux le garder, si tu veux. Je fais le tri dans les vieux magazines qui traînent pour pas avoir à les déménager.
- C'est la fille de Bernard Giraudeau, c'est ça ?
- Mais non, mon chéri ! Girardot, pas Giraudeau ! C'est la fille d'Hippolyte Girardot et d'Isabel Otero.
- Ah oui, Isabel Otero. Qu'est-elle devenue ?
- Je ne sais pas. Je crois qu'elle fait de la télé.
- Je l'avais croisée en Tunisie, il y a des années de ça.
- Ecoutez-le, "je l'avais croisée en Tunisie"…
- J'avais été invité pour une conférence sur le cinéma méditerranéen, je crois. Et elle était là.
- Et tu l'as draguée…
- Pas vraiment. Je l'ai abordée en lui demandant si c'était un pseudo, Isabelle Otero. Elle n'a pas compris, c'était mal parti. J'ai du lui expliquer La Belle Otero, tout ça… Refais voir. Ah, oui ! Elle ressemble vachement à son père la petite Ana, dommage.
- Pourquoi dommage ? Tu la trouvais très jolie…
- Oui, mais maintenant que je sais, je trouve qu'elle ressemble trop à son père. Du coup, son visage me fait penser à celui d'un homme. C'est comme Chiara Mastroianni, il aurait été plus simple pour elle qu'elle ressemble davantage à sa mère.
- Il était assez beau, son père.
- Marcello ?
- Non... Oui, Marcello, bien sûr. Mais je parlais d'Hippolyte Girardot. Quand il était jeune.
- Moi, je me souviens de lui surtout dans ce film insupportable, Un monde sans pitié et quand on jouait au foot ensemble, du côté de Bagatelle.
- Tu jouais au foot à Bagatelle ?
- Oui, durant une période, avec mon pote Luc.
- Tu traversais tout Paris pour aller jouer au foot ?
- A l'époque, je vivais à Château-Rouge. Je prenais le 43, si je me souviens bien. Luc habitait à Guy Moquet, et on se retrouvait dans le bus. C'était une idée à lui d'aller jouer là-bas.
- Et tu jouais avec Hippolyte Girardot ?
- Y'a plein de terrains. On improvisait des matchs avec les gens qu'on trouvait sur place.
- Et là, y'avait Hippolyte Girardot qui s'emmerdait tout seul et qui se mettait à jouer avec vous dès que vous arriviez ?
- C'était pas tout à fait comme ça. On jouait souvent avec Rochant et sa bande, parmi laquelle Hyppo.
- Tu l'appelles Hyppo ?
- Il arrivait souvent en retard et se présentait comme ça en tendant la main : "Bonjour, Hyppo". Je le trouvais un peu ridicule.
- C'est un bon comédien.
- Absolument. J'ai mis du temps à faire abstraction de toute cette époque. C'est dans Lady Chatterley, je crois que je l'ai redécouvert. Et dans un Desplechin, je ne sais plus lequel. C'est surtout là que je me suis dit que pour que ce type soit aussi bon, et dingue, dans un film aussi naze…
- …C'est pas naze, Desplechin.
- Ah bon ?
- Regarde. Tu es un Hater !
- Un quoi ?
- Un Hater. Quelqu'un qui n'aime pas les célébrités.
- Ils font un papier là-dessus ?
- Oui, c'est à propos de toute cette campagne sur Mélanie Laurent, à laquelle tu as également contribué.
- Je n'ai rien contre les célébrités. Je ne les aime pas, ne les envie pas, je m'en fous un peu. Mais il faut dire que cette Mélanie Laurent est assez tarte.
- Tu vois ?
- Mais ça ne me dérange pas plus que ça. Elle prête à rire, c'est tout. Si elle était un peu moins présente partout, je n'en aurais rien à faire.
- "Comment rester amoureuse".
- C'est un test ?
- Non, c'est un dossier de Psychologies magazine.
- Et c'est Judith Godrèche qui donne ses conseils ?
- Tu parles ! Ça date de 2007, et elle a dû changer au moins deux fois de mec, depuis.
- Tu as vu, après les pages sur Ana Girardot, on nous présente les futures stars de demain.
- Ah oui, j'ai vu. Il y a la fille de Vanessa Paradis et Johnny Depp.
- Oui, que des filles de. «Les héritières du futur. Elles ont entre 15 et 25 ans. Leurs parents sont acteurs, rockers ou réalisateurs et on les connaît par cœur. Elles moins, mais elles sont les stars de demain.» C'est hallucinant.
- Tu vois bien que tu es un Hater !
- Attends, écoute ça : la fille de Vanessa Paradis a déjà 8000 followers sur twitter, c'est à ça qu'on mesure les futures stars ? Elle a décroché un rôle d'étudiante dans un film d'action au scénario déjanté et dont le rôle principal est tenu par Daddy Johnny…
- Si tu veux, dans ce même numéro, tu as un portrait de la femme la plus riche du monde, Mélanie Gates. En fait, elle a une vie assez nulle.
- Non, merci, je ne sais même pas si je vais réussir à avaler mon café.
- Tu devrais le lire, ça te plairait.
- Oui, j'imagine qu'elle raconte combien avec sa fondation, elle vient en aide aux plus démunis. Histoire de se donner bonne conscience et de défiscaliser les affaires de son mari.
- Oui, elle passe son temps en Afrique. Elle dit aussi que pour son premier week-end en amoureux, avec Bill, elle avait pris un puzzle de la Tour Eiffel de 1800 pièces. Dans sa famille, ça prenait des semaines, ce genre d'exercice. Eh ben, Bill et elle l'ont réussi ce week-end là.
- Ils ont passé leur premier week-end à faire un puzzle de 1800 pièces ?!
- Oui, elle dit que c'est l'intelligence de Bill qui l'a séduite.
- C'est sûr. J'aimerais bien avoir ne serait-ce qu'un cinquième de son intelligence sur mon compte en banque.
- Oh, mon chéri, tu sais bien que ce n'est pas pour ton compte en banque que je t'aime.
- Vu que ce n'est pas non plus pour mon intelligence, c'est pourquoi alors ?
- Parce qu'il ne te serait jamais venu à l'idée, pour notre premier week-end en amoureux, d'apporter un puzzle de 1800 pièces…
- Oui, 3 pièces suffisent…
- Hein ?! En plus d'être un Hater, tu es vulgaire !
- Oui, mais ma vulgarité ne s'affiche pas sur papier glacé.
samedi 27 décembre 2014
Je suis un Hater
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"Elle" a raison : "on" préfère quand tu nous fais partager tes coups de cœur !
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