mardi 9 décembre 2014

La liberté n'est pas une marque de yogourt


 
C'était en février 1995. J'avais été invité à Montréal par Les rencontres du cinéma québécois. Le thermomètre frisait parfois les -40°. Une dizaine de jours pour rencontrer quelques personnes formidables. Et la plus chaleureuse, la plus exigeante également, était sans conteste Pierre Falardeau. J'ai passé une grande partie de mon séjour en sa compagnie. Militant indépendantiste, il venait de signer Octobre, film extrêmement documenté qui retraçait les événements ayant secoué la Belle province à l'automne 1970 et en particulier l'enlèvement et l'exécution du ministre du Travail et de l'Immigration, Pierre Laporte. Le film, cosigné par Francis Simard, l'un des kidnappeurs felquistes, remporta le grand prix du festival.
Pierre était resté longtemps sans pouvoir tourner, mais il avait passé son temps à faire des graffitis sur les murs, envoyer des lettres aux journaux, des documentaires fauchés et des films sauvages, véritables pamphlets coup-de-poing. Le temps des bouffons est l'un de ces petits grands films. A cette époque, il circulait encore sous le manteau. C'était avant internet et le téléchargement, un autre monde... Tendez bien l'oreille, ça vaut le coup !

 

Suite à ce voyage à Montréal, j'ai filé à Ouagadougou pour le Fespaco. La température y dépassait parfois les 40°. Mon organisme n'a pas tenu... Ce qui a tenu, en revanche, c'est l'amitié avec Pierre que j'ai réussi à faire inviter au Festival de la Rochelle, que j'ai hébergé lors de ses séjours parisiens, avec qui je débattais sans fin de cinéma... Il prétendait, essayait de, faire des films que sa mère pourrait voir et comprendre. Je pense souvent à lui. A Marion, sa femme et à leurs enfants. Pierre n'a pas trouvé les armes pour résister au crabe qui l'a vaincu en 2009. Restent ses films et ses écrits, dont le recueil de lettres envoyées aux journaux, La liberté n'est pas une marque de yogourt... 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire