lundi 22 décembre 2014

Enrique Vila-Matas, le bonheur, la réussite et Dieu

En 2006, à l'occasion de la publication en français de son roman Le docteur Pasavento, Enrique Vila-Matas se prêtait au jeu idiot du questionnaire de Proust pour L'Express.


Le bonheur parfait, selon vous ?
Je me souviens de ces vers de Robert Lowell: «Ah, largue les amarres. Toute la grandeur de la vie/est comme une jeune fille en été.» Il est certain que l'on trouve une grandeur et une félicité parfaites dans le seul fait de s'asseoir auprès d'une femme durant l'été. Le bonheur a toujours été conçu comme quelque chose de très simple. Il reste à inventer le bonheur intelligent.
Qu'est-ce qui vous fait lever le matin ?
Penser que le matin est la fin de la nuit: quelque chose, donc, d'une parfaite médiocrité.
La dernière fois que vous avez explosé de rire ?
Je n'explose jamais de rire. Quand je ris en moi-même, je le fais toujours d'une manière infiniment sérieuse.
La dernière fois que vous avez pleuré ?
Il y a une semaine, en écoutant un fado. Ce fut quelque chose de très inattendu, j'ai perdu prise. La vie est étrange.
Quel est votre principal trait de caractère ?
Une bonté invisible.
Votre principal défaut ?
Que les autres se chargent de les relever. Ils le font déjà assez.
A quelle figure historique vous identifiez-vous le plus ?
Je ne suis guère capable de m'identifier à moi-même - mes personnalités sont diverses - et par conséquent il m'est encore plus difficile de m'identifier à quelqu'un.
Qui sont vos héros, aujourd'hui ?
Les excentriques de la littérature.
Votre héros de fiction ?
Le docteur Pasavento.
Votre voyage préféré ?
Toujours le voyage à venir. Mais mon premier voyage au Mexique m'a totalement ébloui.
Quelle est la qualité que vous préférez chez un homme ?
Qu'il ressemble à un homme.
Et chez une femme ?
Qu'elle soit féminine. J'aime les femmes parce qu'elles sont extrêmes, toujours meilleures ou pires que les hommes.
Vos écrivains préférés ?
Fernando Pessoa, Franz Kafka, Robert Walser, Roberto Bolaño, Fleur Jaeggy, Samuel Beckett, Alice Munro, Rita Malú, Pierre Michon, Sergio Pitol, Raymond Roussel...
Votre compositeur préféré ?
Liszt et Glenn Miller.
La chanson que vous sifflez sous la douche ?
L'hymne national de Lokunowo.
Votre livre culte ?
Artistes sans oeuvres de Jean-Yves Jouannais.
Votre film culte?
L'Avventura de Michelangelo Antonioni.
Votre peintre préféré ?
Vélasquez.
Votre boisson préférée ?
Le whisky.
Votre couleur préférée ?
Le blanc et le noir.
Que considérez-vous comme votre plus grande réussite ?
J'attends encore de triompher en quelque chose.
Votre plus grand regret ?
Avoir déjà regretté quelque chose.
Quel talent voudriez-vous avoir ?
Celui de Sarah Bernhardt. Et pouvoir dire : «Vous pouvez me serrer la main sans crainte. Le talent, ça n'est pas contagieux.»
Qu'est-ce qui vous est le plus cher ?
La vie avec Paula de Parme.
Si vous pouviez changer une chose dans votre apparence ?
Je voulais avoir une silhouette filiforme et je savais que je n'y parviendrais jamais. Un drame.
Que détestez-vous par-dessus tout ?
La violence, la bêtise, la mesquinerie.
Quand vous n'écrivez pas, quelle est votre occupation préférée ?
Voyager.
Votre plus grande peur ?
Le défi d'écrire un livre sur la peur.
A quelle occasion mentez-vous ?
Quand je parle en castillan, je mens toujours. Quand je parle en catalan - ma mère est catalane et m'a appris à ne pas mentir -, je ne mens jamais. C'est pourquoi j'écris mes fictions en castillan.
Quelle est votre devise ?
La devise de la famille anglaise Finch Hatton : « Je répondrai ».
Comment aimeriez-vous mourir ?
Comme l'oncle de John Huston, qui se faisant passer pour mort devant un parent qu'il ne voulait pas saluer, a tellement retenu sa respiration qu'il a fini par mourir.
Rédigez votre épitaphe.
Je sais qu'au centre du vide une autre fête se tient.
Si vous rencontriez Dieu, qu'aimeriez-vous qu'il vous dise ?
Que j'ai toujours souffert qu'il se soit fait passer pour moi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire