Rêve de WAG

Si c'était à refaire, je serais une femme. Femme de footballeur, plus précisément. 

Je commencerais tôt. A peine sortie de l’adolescence. Il n’y a pas de temps à perdre avec ces choses-là. Je traînerais du côté des centres de formation, c’est là que ça se passe. C’est un peu comme au casino : il y a une certaine prise de risque. La beauté compte peu, il faut être honnête. Entre nous, tu trouves ça séduisant, toi, un type en short et crampons ? Non, l’enjeu est ailleurs. Et là, la compét' entre filles est plus que sportive.

Quand ils en sont à ce stade, on ne sait pas encore lequel va vraiment y arriver. Des espoirs, c’est comme les regrets dans les cimetières, il y en a plein qui demeurent éternels jusqu’au bout. Mais quand on démarre tôt, on a le droit à l’erreur. Après un an ou deux, parfois quelques mois, on sait si le gars va percer. Dans le cas contraire, on est encore jeune pour ressortir l’hameçon. L’autre solution, c’est d’en tester plusieurs à la fois, ça multiplie les chances. Je ne sais pas encore ce que je déciderais.

Mais quand on a ferré le bon, et si on n’est pas trop conne, c’est le rêve. T’imagines ? Pendant qu’avec ses potes, il fait des étirements et tape dans la balle toute la matinée, qu’il rentre pour la sieste et que l’après-midi, il remet ça, t’as la journée entière pour glander, voir tes amies, faire du shopping, mater des séries, chater, la PS, t’éclater avec un de ses coéquipiers blessé (enfin, là, faut quand même faire gaffe, c’est pas des malins pour la plupart et ils peuvent avoir envie de s’en vanter entre eux) ou un chanteur, etc. Putain ! A moi Prada, Chanel, Gaultier et cie. Et puis, je peux te dire que tu roules pas en Clio ou en Smart. Et les voyages, c'est pas le pied, ça ? Pour peu que tu te mettes avec un international, la Coupe du monde au Qatar, au Brésil ou même en Russie, c'est pour toi ! Et puis, tu ne séjournes pas à l'Ibis du coin, hein ? Pour les déplacements en Europe pour la Ligue des champions, t'es pas obligée. Tu vas pas te taper un voyage éclair à Bucarest ou à La Corogne ! 

Un point important. The point. Avec le blé que tu palpes, tu as de quoi retoucher chez toi tout ce que la nature n’a pas réussi. Et il y a toujours quelque chose à faire. On sait toutes ça. Le truc, c’est de garder un peu de blé pour après. A partir de 35-40, on n’est plus sur le marché, en tous cas pas celui-là, et faut quand même entretenir la machine.

Moi, ce que j’aimerais c’est être avec un joueur transféré en Angleterre. Londres de préférence. Parce que bon, Liverpool, Manchester ou Ipswich, ça doit pas être folichon. Et puis, à Londres, t’as quand même le choix entre Chelsea, Arsenal, Tottenham ou même Fulham et Queens Park Rangers, ça devrait le faire. T’imagines London, quoi ! Même deux ou trois ans. C’est quand même dans ce pays qu’on a inventé le foot et surtout la WAG : oui, tu sais, Wives And girlfriends, pour nous désigner. Et avec la presse qu’ils ont là-bas, t’es presque sûre de devenir célèbre. Quelques photos un peu sexy, et le tour est joué. Ben oui, qu’est-ce que tu crois ? La pudeur, c’est bon pour les pauvres, pour cacher leur misère. Nous, on peut pas. On est des femmes publiques. Une fois connue, toutes les portes s’ouvrent à toi : le mannequinat, la chanson, la pub, la téléréalité, le cinéma, bref l’infini des possibles. On ne se rend pas compte de là où on peut arriver sans avoir fait d’études.

Et quand tu te plantes, parce que ça peut arriver, on va pas se cacher la vérité, ben, il te reste le divorce et la pension. Et là, faut pas se gêner pour le faire cracher, ton imbécile en short. Parce que le blé, ça te met à l’abri de tout quand même. Peut-être pas de la connerie, remarque, mais bon, il y en a partout. Alors...