jeudi 6 novembre 2014

Le dimanche et autres contes de fées

En me promenant distraitement sur le site du journal des marchés, dit Le Monde, je tombe sur un bout d'article dont on m'annonce que les 71% restants me seront accessibles si j'ai la bonté de m'abonner à partir d'1 euro ou si je paie cet article 2 euros. Je ne suis pas à un euro près – quoique –, mais ai rempli mon quota de bonté pour la journée, et surtout, ai pour principe de ne pas renforcer les puissants groupes de presse déjà bien aidés par l'Etat – et donc, par moi. Et j'avoue que les 29% me suffisent amplement. De quoi ça cause ? De l'ouverture des bibliothèques le dimanche, à l'instar de l'ouverture de celle des magasins, cause nationale dans l'optique de relancer la croissance, de faire plaisir au touriste et tout ça. 
Ce n'est pas nouveau. A la baguette de ce type de campagne pour l'ouverture et l'accessibilité de tout, la suppression du dimanche et des jours fériés, la flexibilité des employés, le rêve libéral du grand marché permanent, on retrouve le plus souvent, à peine cachés en coulisses, les grandes firmes comme Ikea, Le Printemps, Castorama, Virgin à une époque – avant de brillamment se casser la gueule , etc. 
A l'heure où la culture ou, du moins, ce qui fait office de culture, est devenu un produit de consommation comme un autre, il est normal d'y avoir droit 7 jours sur 7. Je connais des gens d'ici et d'ailleurs qui ont le centre commercial du coin pour seule promenade sabbatique. D'autres préfèrent déambuler dans les rues du Marais, lécher les vitrines des Kréâteurs, mais ceux-là, je les connais moins.
La tribune est signée par un historien, Patrick Weil, spécialiste de l'immigration, prof à Sciences-Po, donc politologue, de gauche aussi – enfin… socialiste. Un mec bien, intelligent, ayant pignon sur médias et opinion sur la rue, comme l'ESSEC les produit par fournées. Il a certainement un tas d'arguments imparables dans les 71% manquants et des solutions financières pour les collectivités que les politiques actuelles malmènent quelque peu. Je ne sais pas, j'ai pas payé. Je me contente de lire les commentaires des abonnés aux nouvelles des marchés. Oui car, pour pouvoir réagir, il faut également être abonné. La liberté de la presse des marchés est à ce prix. 
Et comment pensent les abonnés réactionnaires ? Quelques copier-coller : « L'esprit de service public s'est envolé il y a bien longtemps. Quand on pense à 30h/semaine en moyenne... C'est vraiment une honte » ou « Il suffit d'organiser de nouveaux rythmes et d'arrêter de tout organiser autour du nombril des fonctionnaires, comme chez les profs ! L'intérêt collectif devrait et doit être priorisé » et encore « Le peuple enfermé dans l'ignorance reste docile » en passant par « Faire travailler le dimanche des gens bénéficiant de l'emploi à vie quoi qu'ils fassent et syndiqués jusqu'au ongles est de la pure science fiction. Dans ce pays l'état est au service des fonctionnaires, pas du public... » Le discours du bon sens comme on l'aime. 
Je ne connais pas la réalité de l'ensemble des bibliothèques et de leurs employés. Il est possible que certaines n'ouvrent pas suffisamment, qu'il y ait des fonctionnaires qui n'en foutent pas une rame, qu'ils soient surpayés et privilégiés. Le contraire l'est également et plus probablement. Sans aller trop loin d'ici, dans ma chère banlieue, je connais très bien un type qui, à 50 balais, est adjoint au patrimoine, titre un peu pompeux, je vous l'accorde, surtout au regard de sa fiche de paie qui s'élève à 1200 euros par mois. Pour mériter cette bonne fortune, il bosse 37 heures par semaine, notamment le samedi jusqu'à 18h, le mardi et le vendredi jusqu'à 19h. Mais voilà, il se repose le dimanche et le lundi. Ayant déjà renoncé à son samedi, pourquoi s'arc-bouterait-il sur le dimanche lorsque la grande communauté de consommateurs culturels râle de ne pouvoir exercer le Jour du seigneur ? Il pourrait parfaitement récupérer à un autre moment de la semaine, le jeudi par exemple. Il faut vivre avec son temps et l'opinion de ses semblables même si elle est conditionnée par les marchés. Et puis, que vaut la vie privée, sociale, familiale d'un pauvre type émargeant à 1200 euros par mois, franchement ? A 50 ans, il part rarement en vacances, et quant à avoir une Rolex…



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