samedi 8 novembre 2014

Jean-Jacques Rousseau est mort

Le cinéaste de l'absurde est mort. Absurde, c'est le terme que reprennent les dépêches pour ne pas parler de folie douce. Je n'ai vu aucun de ses films. J'avais découvert l'existence de cet homonyme belge de notre encyclopédiste grâce au documentaire Cinéastes à tout prix de l'inénarrable Frédéric Sojcher, il y a dix ans. Dans son film, Frédéric filmait Rousseau cagoulé, sa philosophie, ses méthodes de tournage, son œuvre. Un des films de Rousseau commençait par un énigmatique carton "Vingt ans après", ce doit être ça, l'absurde. Maçon de formation comme mon père, Rousseau se vantait d'avoir réalisé, avec des bouts de ficelle, une trentaine de films, majoritairement du cinéma d'action. Interviewé sur Arte en 2005, il racontait : « Personne ne saurait réaliser mes films, ça, je défie n’importe qui. Je donne mon scénario à Steven Spielberg, je dis « Ecoute Steven, voilà mon nouveau scénario, fais-le », il saurait pas le faire. Du moins il saurait pas le faire comme moi. Ce serait totalement différent. On voit que le dernier film Le sacristain cannibale a coûté 250 euros mais bordel de merde, est-ce que Spielberg saurait faire un film avec 250 euros ? Il n’a même pas assez pour faire le plein de son essence. Bah oui, voilà c’est ça. Quand on voit que j’ai fait Le diabolique docteur Flack pour 2500 euros, mais Spielberg ne saurait jamais faire un film pour 2500 euros, il a même pas assez pour payer ses frais de téléphone pour le mois, voilà. Alors moi, j’ai le secret d’un cinéma bon marché, tous mes acteurs sont totalement bénévoles y compris moi et nous continuons quand même dans cette voie lactée qui est notre cinéma. » 
Lorsqu'il préparait son film, Frédéric, qui se remettait difficilement d'un tournage cauchemardesque, raconté dans un livre étonnant, Main basse sur le film, m'avait confié s'apprêter à filmer un groupe de cinéastes amateurs, pratiquant ce que l'on pourrait nommer un cinéma brut, en référence à l'art du même nom. Outre Rousseau, figurait dans son film, Jacques Hardy et Max Naveau. Pas moyen de savoir si ces deux-là sont encore vivants et en activité. Il faudrait que j'appelle Frédéric, mais on ne se voit plus. Ce que je regrette, c'est que Frédéric ait renoncé à inclure dans son film un quatrième larron. Pour des raisons éthiques, qui plus est. Il s'agissait d'un médecin qui réalisait des films pornographiques avec ses patientes. Je n'ai jamais su si ce type existait vraiment, et Frédéric ne m'a jamais montré l'un de ses films. Mais ça me plaisait de penser qu'un médecin respectable réalisait ses fantasmes en abusant (de) ses patientes… 
Les films de Rousseau ont très peu été diffusés. En 2004, il montait les marches de Cannes encagoulé comme à son habitude et, dans la foulée, donnait une conférence à la Sorbonne. Mais cette heure de gloire était orchestrée par Frédéric Sojcher et son film. Aujourd'hui, les médias se bousculent pour reprendre la même info, confirmant l'intuition de Mark Twain : « Le journalisme consiste à annoncer que M. Watson est mort à des millions de gens qui ne savaient pas qu’il vivait. » 




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