En allant à l'hôpital, j'ai eu un accrochage avec un automobiliste qui s'est mis à m'insulter. Ma faute ? J'avais ralenti et freiné devant un passage piéton pour laisser passer quelqu'un. Apparemment, ça ne se fait pas.
- Putain, tu regardes dans ton rétro avant de freiner !
- Il y a un passage piéton. Tu ne vois pas ?
- Mais tu t'arrêtes pas quand tu as une voiture derrière. Je m'en bats les couilles moi, du passage piéton !
- Pour ça, il faudrait déjà que tu en aies.
Je crois qu'il n'a pas bien saisi et a continué à vociférer.
Lorsque j'ai pénétré dans le hall de l'établissement, j'ai eu l'impression d'assister à un vernissage dans une galerie d'art. Des gens avaient un verre à la main, disaient des conneries et semblaient épatés par ce qu'ils voyaient. Il s'agissait d'une démonstration d'un robot chirurgical. Cette animation permettait à tout un chacun de se mettre dans la peau d'un chirurgien de demain et de piloter les différents bras de la pieuvre mécanique, comme à l'hôpital. Le jus de fruits coulait à flots.
Ma mère a enfin une voisine de chambre. Une femme plus jeune qu'elle, se faisant opérer de la hanche. On lui a proposé de léguer son fémur, me raconte ma mère. Je pensais qu'on ne faisait don que de ses organes. Et encore, une fois mort. Flora a ri de moi. Heureusement, un paravent la sépare de sa voisine.
Flora a été opérée mardi d'une PTG droit, comprenez : on lui a posé une prothèse au genou droit. Aujourd'hui, je l'ai trouvée assise dans un fauteuil, la jambe posée sur une chaise. Elle s'est réjouie de me voir, elle allait pouvoir changer de place. La perspective de l'aider à se recoucher m'a tétanisé. Heureusement, elle avait envie d'aller aux toilettes et m'a demandé ce que j'en pensais : appelait-elle une infirmière ? Excellente idée ! J'ai immédiatement proposé de courir en chercher une. Elle a brandi son bouton rouge en maudissant la vie qui lui a donné un fils aussi stupide. L'infirmière a bien mis cinq minutes à débarquer. Une belle Antillaise qui s'est prise pour Jésus. Elle a demandé à ma mère de se lever et de marcher. Et le miracle s'est produit. Avec une paire de béquilles et à la vitesse d'un escargot arthritique. Le parcours me semblait tellement long que j'avais peur qu'elle se lâche en route. Il n'en a rien été.
Lorsque ma mère a regagné son lit, sa voisine s'est exclamée : « Vous devez être soulagée ! C'est quand même mieux que de faire dans le lit ! » Elle parlait du légendaire bassin métallique auquel nous avons tous un jour été confrontés baignés d'angoisse.
Depuis
que la coloc est là, TF1 passe en boucle dans la chambre de ma mère. Je
découvre un monde merveilleux d'émissions dites de téléréalité. Des
gens filmés dans un lit analysent leur nuit et la literie. D'autres, la
bouffe. Tout est désormais compétition, délation et élimination. Et
confession. Face caméra, les yeux dans les yeux. Je me souviens
maintenant pourquoi j'ai décidé il y a quelques années de me passer de
télévision. Et je n'ai qu'une hantise, celle d'être un jour hospitalisé,
immobilisé dans un lit et obligé de regarder ce genre de choses. Je sais que mon heure viendra. La tienne aussi...
Sur l'écran, dans ce qui m'a semblé être une bande-annonce, j'ai cru apercevoir le petit-fils de Casque d'or…
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