Dédée d'Anvers. Un titre croisé dès le début de la cinéphilie forcenée. Son réalisateur n'avait pas bonne côte chez les prescripteurs du septième art. Il est vrai que la mise en scène est un peu molle. Les séquences de bagarre notamment font pitié. Le film débute par des plans documentaires du port d'Anvers. C'est le générique et le prétexte à notre histoire. Une histoire éternelle, celle de la pute au grand coeur, amoureuse d'un marin de passage. C'est, comme on le sait, le rôle qui a vraiment lancé Simone Signoret. La future Madame Rosa n'a pas encore eu le coup de foudre pour Montand. Elle est entre 1948 et 1949 l'épouse du frère de Marc Allégret et tournera deux autres films avec lui : Une si jolie petite plage et Manèges. Elle est un peu gauche en Dédée, très mince, épaules trop larges dans sa veste cintrée, elle marche le dos voûté, mal à l'aise en talons sur les pavés.
Elle en fait un peu trop. Et son mari mise tout sur son sourire, ses yeux canaille et sa gouaille parigote. La femme fatale est en construction, et déjà bouleversante. Elle explosera quatre ans plus tard, dans les bras de Reggiani, rue des cascades, à Ménilmontant.
Qu'est-ce qui fait de Dédée d'Anvers, sorti en 1948, un film de l'entre deux guerres ? La modernité qu'on y cherche vainement. Même la présence de Marcelo Pagliero, découvert dans Rome ville ouverte, ne l'assure pas. Et en dehors du générique très certainement tourné par une deuxième équipe, les prises de vue eurent lieu en studio, à Joinville-le-Pont qui, certes, possède également un port, mais de plaisance. De quoi coller à l'imagerie commune des villes portuaires, de ses docks et de ses rues interlopes. Réalisme poétique déguisé en néoréalisme. D'ailleurs, suite à la présentation sous les sifflets masculins du personnage de Dédée, le récit débute comme Hôtel du nord, par une scène de repas « en famille », l'hôtel ayant été remplacé ici par le bouge, tenu par un Bernard Blier qui a pris de l'épaisseur dix ans après le film de Carné. Il y est excellent. Et puis, il y a le grand Dalio. Encore dans un de ces rôles de magouilleur médiocre et sournois, auxquels le cinéma français a cantonné ce « métèque » dont une grande partie de la famille vient de disparaître dans les camps.
Et pourtant un charme se dégage, une petite musique. Peut-être pour tout cela et pour tout ce que le film, qui arrive trop tard, n'est pas. Son anachronisme, sa gaucherie et ses acteurs me le rendent sympathique. C'est déjà ça.
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