vendredi 14 novembre 2014

Ester, une tragédie



à treize ans secrètement
amoureux pensai-je de la brune Ester
de ses boucles sépharades
de ses seins naissant 
de ses fesses rebondies

j’aurais pu rêver d’une blonde, rousse, chauve
il y avait tellement peu d’amour
à la maison je pouvais les aimer toutes
et Ester riait de mes mains sales
et de mes fringues de pauvre péquenot
des poils poussant au menton
et ma voix sans portée
avec ses copains

au village des chasseurs, le dimanche à la messe j’allais
m’intéresser à une fille plus jeune et moins belle qu’Ester

et elle interrogea cet accent
j’inventais pour la faire rire
des origines sud américaines
anglaises
ou norvégiennes
et elle rit longtemps
de moi et de manières d'un autre temps
jamais remis les pieds à l’église
mais le dimanche suivant à l'auberge
deux jeunes femmes venues en bande
goûter le lapin à l’ajito voulaient
savoir
riant de ma maladresse
de mes joues rouges
si j’avais un grand frère

pour aller au printemps
traîner avec elles
dans les herbes folles de la colline
la saison de la chasse n'avait pas commencé

Charles Brun, Les Chasseurs

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire