mercredi 10 juin 2015

Question de matos



Vous avez vu ? Nicolas, là, le jardinier, il est mort... 
J'ai fait quelques pas de côté, comme dans un film de Truffaut, il me semble, où l'on voit un personnage feindre le départ du train en esquissant sur le quai une drôle de fuite en pas glissés. 
Tout d'abord, le jardinier mort s'appelait Michel. Ensuite, je n'ai jamais aimé le jardinage, et encore moins à la télé. Et puis, je savais que je ne pourrais pas dire à mon tour : « Vous avez vu ? Jean Gruault est mort ! » Ils m'auraient tous regardé de nouveau avec ce petit air dédaigneux quand il m'arrive encore d'aborder devant eux des sujets sérieux. J'imagine que sa mort n'a pas été évoquée hier soir au JT ou au Petit journal ou ce matin sur France inter, principales sources d'information de mes collègues. J'aurais dû expliquer que le vieux avait été scénariste de Truffaut justement, de Resnais, Rossellini et Rivette, que je l'avais écouté avec bonheur il y a quelques années déballer en compagnie de Roger Pierre ses souvenirs et anecdotes suite à la projection de Mon oncle d'Amérique. Le vieux avait l'air en pleine forme. Madame Columbo me rappelait hier soir l'avoir entendu à la radio toujours aussi vif et amusant lors du dernier Festival de Cannes. Valérie Donzelli y présentait un film, adapté d'un scénario que Gruault avait écrit pour Truffaut mais que celui-ci avait finalement abandonné. Le pauvre, partir en voyant son oeuvre certainement massacrée par cette cinéaste insignifiante... 
Je les ai entendus aborder l'affaire Valls à Berlin et ai continué à glisser jusqu'à mon poste. J'ai recouvert mes oreilles d'un casque, mis en branle le logiciel de musique et, au lieu de m'atteler à des tâches plus productives, ouvert ma messagerie. Elle contenait un message doublement posté, rédigé dans une langue approximative, proche du français. Un commentaire pour ici. Les premiers mots étaient : « Quel grand blog ! » Je me suis raidi, qui pouvait être cet illuminé ? J'ai immédiatement oublié le reste. Non qu'il me seyait de ne retenir que cette phrase, mais la suite était incompréhensible malgré tous mes efforts. La signature semblait basée en Espagne. J'essayais donc de traduire en espagnol les mots alignés devant mes yeux mais ne parvenait pas plus à leur donner de sens. Mon petit cerveau fatigué, mal remis d'une soirée à boire à la mémoire de Gruault y de la madre que le pario, compris alors qu'il s'agissait d'un vulgaire spam, pub pour locations de villas en région catalane. Mauvaise pioche : je n'ai, sur mon compte, pas même de quoi me payer un aller simple pour Tourcoing... 
J'ai repensé à la médiocrité de ma vie m'ayant fait un jour accepter l'esclavage moderne du travail salarié, à mes petites consolations ici et chez moi, un livre entre les mains, ma compagne pas loin, mes filles parfois. Je me demandais combien de temps j'allais encore tenir comme ça. 
J'aimerais que mon ridicule s'apparente au moins à celui du personnage de Bruno Podalydes, faisant des 8 avec son bassin, rêvant de vols de l'aéropostale, d'horizons lointains, optant pour l'habitacle réduit d'un kayak  et échouant dans une auberge au bord de l'eau, paradis éphémère peuplé d'êtres singuliers, d'absinthe et des fesses de Vimala Pons. J'ai déjà ma vareuse. Car moi aussi, j'accorde une grande importance au matos... 


5 commentaires:

  1. Pour voir la bande annonce de Comme un avion, Dailymotion nous inflige celle de Jurrassic World.

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  2. Misérables ! J'ai changé de fournisseur... Dites-moi si c'est mieux.

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    1. Merci. Quel bonheur ce serait si vous aviez ce pouvoir de supprimer tout ce qu’on nous impose avant le film dans les complexes de ciné.

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  3. En fait, ce qui m'inquiète, c'est que ce film soit recommandé par France Inter et, surtout, Télérama — journal qui exige des cinéastes qu'ils aient "de la tendresse pour leurs personnages".

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    1. Oui, j'entends bien, mais je pense que FI et Télérama n'ont rien compris au film...

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