mardi 16 juin 2015

Vive le crime !



Moi, je ne voulais pas y aller. Et puis, fidèle à ma réputation d'être totalement dépourvu de la moindre volonté, j'ai fini par céder. Il faut dire aussi que la perspective de picoler et de se bâfrer à l'oeil est parfois alléchante. Qui plus est dans les jardins d'un hôtel particulier. Les prix ne sont qu'un prétexte. Tous ces pique-assiettes alcooliques se bousculant les uns les autres devant les buffets une fois les proclamations proclamées ne me contrediront pas. 
C'est vrai, ça intéresse qui de savoir que Jean-Paul Rappeneau s'est vu remettre le grand prix de la SACD ? A peine si on prend le temps de se demander pourquoi. Est-ce pour saluer la réalisation d'un nouveau film - sortie prévue en octobre 2015 - plus de dix ans après le précédent ? Couronner une carrière -  somme toute honorable ? Peu importe. Vraiment. Pareil, bien que peut-être plus consternantes, les distinctions offertes à la créatrice de Plus belle la vie, à Florence Foresti ou à Eric Assous...
Moi, je suis arrivé après tout ça. Au moment où ça se précipitait sur les brochettes et les coquetèles. J'avais peur de croiser des gens que je ne souhaitais pas voir, des à qui je dois de l'argent, des qui veulent ma mort... On m'a filé la brochure avant les brochettes, alors j'ai jeté un oeil. 36 prix, pas le temps de détailler, y'en avait pour tout le monde. Ah si, tiens, Marine Vacth, la petite du film d'Ozon, reçoit le prix Suzanne Bianchetti, récompensant, nous dit-on, "une jeune comédienne débutant une carrière cinématographique prometteuse". Ah... C'est vrai qu'elle est jolie. Le film d'ailleurs s'appelle comme ça, Jeune et jolie. Et c'est vrai qu'elle est à peu près le seul intérêt de cette chose navrante. Est-ce suffisant pour faire de cette ex top une comédienne prometteuse ? Sur un seul film ? Prend-elle des risques insensés ? Joue-t-elle à contre-emploi ? On ne le saura qu'après quelques autres apparitions. Mais bon, j'imagine que le Conseil d'administration de la SACD, légèrement cacochyme et masculin, est certainement plus qualifié que moi en la matière. 
Je voulais pas, moi. Mais en m'apercevant que le premier film de Jeanne Herry était étiqueté prix nouveau talent cinéma, les bras m'en sont tombés. Parce que j'ai vu ce truc, en DVD, il y a quelques jours et j'avais été tenté d'écrire mais me suis retenu, faisant voeu de ne plus jamais tenir le rôle du hater de service. Parce que c'est quoi, la principale qualité de Elle l'adore ? Kiberlain ? Non, elle est bien partout. Egale à elle-même, sympa, tendance ronronnante, mais sympa. Non, la principale qualité de ce film, j'en suis désolé, croyez-le bien, c'est que sa réalisatrice est une "fille de". Donc, ça attire l'attention, émoustille, les médias, une partie du public désireux de voir ce truc avant que ça se retrouve dans une grille de programme ou en fichier téléchargé. On veut se faire une opinion sur la première réalisation de la fille de Miou-Miou et Julien Clerc. L'autre jour, le DVD m'est tombé sous la main, à la médiathèque, avant qu'il me tombe des yeux, et j'ai demandé à Madame Columbo si ça la branchait. On a regardé ça une nuit d'insomnie. Et ça nous a tellement énervé qu'on ne s'est pas rendormi. Là dedans, il y a cet acteur petit mouchoir, petit humour, petit jeu, Laurent Lafitte. Il campe un chanteur mi-Patrick Bruel mi-Chel Sardou, avec un petit côté Bertrand Cantat quand t'as un coup dans le nez et que tu pousses ton hystérique compagne la tête contre une table basse. Soudain, le type se transforme en tueur méticuleux, sans trembler et sang froid invincible. En quelques secondes, voilà concocté un scénario des plus rocambolesques, même Madame Columbo qui en a vu d'autres, n'en revenait pas. Le chanteur de charme use sa principale arme en retrouvant les coordonnées de sa fan numéro un, une mytho du dimanche qui soûle tout le monde dès qu'elle l'ouvre. Elle ouvre donc sa porte et pas surprise de trouver là son idole, elle accepte sans moufter le marché : aller planquer le corps en Suisse chez la soeur agricultrice qui se chargera de le couper en morceaux et le faire disparaître dans son incinérateur-maison. C'est pratique une fan et une soeur. Et puis, pour ceux qui trouvent ça gros, ça intrigue secondaire avec le flic qui enquête en quête de reconstruire avec la nympho de service qu'est sa compagne et collègue. On assiste alors à un pendant illustré de la relation haine-amour-je-t'étrangle-je-te-veux et on se dit que oui, finalement, il a eu raison le beau chanteur de zigouiller l'autre dingue. Malin, le scénario de la fille de. Oui, tuer quelqu'un, ben, ça arrive. Et ça ne pose problème à aucun de nos personnages. Mis à part les flics, mais ces cons sont tellement pris par leur passion destructrice qu'ils démissionnent en cours de route alors que justement, c'est dommage, hein, ils allaient attraper le méchant, enfin, le coupable, le tueur-victime-de-l'hystérique, le gentil chanteur quoi, vous m'avez compris. Je l'admets, il en faut du talent pour faire gober tout cela : aux décideurs, aux comédiens, aux médias, au public, aux récompensateurs de la SACD... A moins qu'il suffise d'être. 
Après ça, comment voulez-vous qu'on ne passe pas la soirée à boire - à la mémoire d'Alfred Hitchcock, de Blake Edwards, ou de Bourdieu, au choix ? 


 

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