J'avais le souvenir d'un seul plan. Assez long. Pas de dialogue. Et cette impression que ça suffisait pour planter un personnage, une ambiance, un monde. Celui de la nuit, de la fête, des filles, du jeu, du fric, du spectacle. L'angoisse de la réception. L'offre et la demande.
Le plan est en effet long. Le type descend quelques marches, léger sourire, on essaie de se convaincre, méthode Coué, ça va marcher. C'est ce qu'il transmet au videur, se parlant presque à lui-même. Et puis, après un travelling l'isolant sur fond de chair, toujours le même plan, irruption des premières notes de musique électrique, l'incontrôlable par le contrechamp des gamins bruyants sur le pick-up, c'est parti. On l'a échappé belle. Pour cette nuit, c'est bon. Le retour sur Ben Gazzara nous le confirme. Trois cartons de générique. Et les premiers clients débarquent. Are you looking for us ?
En 1965, André Labarthe rencontrait John Cassavetes pour un volet de l'émission Cinéastes de notre temps. C'était l'époque du montage de Faces. Un film tourné sur six mois, monté trois ans durant, par à-coups. Quelque chose comme ça. Quand il ne restait plus de fric, Cassavetes allait faire le mariole à Hollywood, là où il n'y a pas assez de gens, où l'on vit sur rendez-vous. Quand il en avait amassé suffisamment, il se remettait au montage. Vingt ans plus tard, pour la précieuse émission Cinéma cinémas, Labarthe se souvient… Cassavetes est mort trois ans plus tard.
Pour son dernier film, réalisé en 1983, la même émission s'était rendue sur le tournage. J'en pleure encore.
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