Je suis tombé, ce matin, sur la fin d'un entretien avec la grande féministe Elisabeth Badinter. Quelques mots chopés au vol, la défense de (la millionnaire) Hillary Clinton, bien sûr, le voile, le burkini, le féminisme aujourd'hui et cette conclusion : pas facile de bouger les choses. L'héritière de l'empire Publicis, 53e fortune de France, en sait quelque chose – souvenons-nous de sa prise de position, avec son Robert de mari, lors des déboires judicaires de leur ami DSK –, elle qui déclare détenir la vérité par son travail "sur le terrain". Avant d'adjurer les auditeurs d'oublier, aux prochaines élections, les petits candidats et de réserver leurs bulletins pour un parti capable de l'emporter… La speakerine ravie annonçait peu après que la dame patronnesse du PS s'invitait également dans l'émission suivante. C'était au-dessus de mes forces. La vie est trop courte pour continuer à écouter ces crapules déguisées en donneurs de leçons, faux penseurs et vrais tenants du pouvoir sous toutes ses formes.
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La veille, j'avais incidemment appris que soufflait à Hollywood un vent de féminisme 2.0. Diantre ! En tête de la fronde, l'Américano-Ukrainienne Milena Markovna Kunisov, plus connue sous son nom de scène, Mila Kunis. Plus connue également pour ses poses en petite tenue que pour ses positions politiques.
On sait qu'à Hollywood, à bankabilité égale, les femmes sont généralement moins payées que les hommes. Et il serait bon qu'un jour, en effet, au lieu des 15 millions par film, les stars féminines en reçoivent plutôt 20 comme les encaissent sans complexe les vedettes masculines. C'est un combat louable. Pour une poignée de femmes – déjà privilégiées – dans le monde – occidental.
J'éteignis également l'écran et, profitant de l'ensoleillement de la journée, délaissait un travail de traduction en cours pour filer avec ma blonde du côté de la Mouffe. S'y tenait une brocante, prétexte pour une balade à deux dans l'un des quartiers chers à ma jeunesse – et à la chanson française. Nous sentions, aujourd'hui le confirme, qu'il s'agissait du dernier dimanche propice à l'oisiveté au grand-air. Les livres étaient hors de prix et sans grand intérêt, plutôt laids les quelques meubles ou objets qui auraient pu nous intéresser si nous avions été plus fortunés. Nous en étions là de nos constatations, lorsque soudain, marchandant une ancienne table d'écolier, j'aperçus la chirurgienne qui m'avait, à deux reprises, opéré récemment. J'en fis part à ma douce. Qui ne me croyait pas. Je restais planté là, encore surpris par cette rencontre et presque persuadé que ma belle avait raison. Il y avait certainement méprise. Je tentais d'observer de près cette femme, sans me rapprocher, ouvrant grandes mes oreilles pour reconnaître sa voix tout en me penchant discrètement sous son nez pour la dévisager. Le vendeur fit deux pas de côté et je lançais alors sans filet un Bonjour, docteur ! Elle n'eut pas une hésitation, me serra la main et me raconta qu'elle habitait juste là, et qu'elle cherchait un petit bureau pour son fiston de cinq ans. Ah oui, pour faire ses devoirs !, avançais-je pour faire le malin. Non, à cinq ans, les devoirs… Si j'avais, une fois de plus, fait chou-blanc en matière d'humour, cela heureusement avait échappé à ma compagne qui, elle ne put réprimer un petit commentaire vachard à propos de cette femme qu'elle imaginait davantage dans un salon de coiffure ou d'esthéticienne que dans un bloc chirurgical… Comment voulez-vous que je parvienne à soigner mon machisme ancestral ?
On sait qu'à Hollywood, à bankabilité égale, les femmes sont généralement moins payées que les hommes. Et il serait bon qu'un jour, en effet, au lieu des 15 millions par film, les stars féminines en reçoivent plutôt 20 comme les encaissent sans complexe les vedettes masculines. C'est un combat louable. Pour une poignée de femmes – déjà privilégiées – dans le monde – occidental.
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J'éteignis également l'écran et, profitant de l'ensoleillement de la journée, délaissait un travail de traduction en cours pour filer avec ma blonde du côté de la Mouffe. S'y tenait une brocante, prétexte pour une balade à deux dans l'un des quartiers chers à ma jeunesse – et à la chanson française. Nous sentions, aujourd'hui le confirme, qu'il s'agissait du dernier dimanche propice à l'oisiveté au grand-air. Les livres étaient hors de prix et sans grand intérêt, plutôt laids les quelques meubles ou objets qui auraient pu nous intéresser si nous avions été plus fortunés. Nous en étions là de nos constatations, lorsque soudain, marchandant une ancienne table d'écolier, j'aperçus la chirurgienne qui m'avait, à deux reprises, opéré récemment. J'en fis part à ma douce. Qui ne me croyait pas. Je restais planté là, encore surpris par cette rencontre et presque persuadé que ma belle avait raison. Il y avait certainement méprise. Je tentais d'observer de près cette femme, sans me rapprocher, ouvrant grandes mes oreilles pour reconnaître sa voix tout en me penchant discrètement sous son nez pour la dévisager. Le vendeur fit deux pas de côté et je lançais alors sans filet un Bonjour, docteur ! Elle n'eut pas une hésitation, me serra la main et me raconta qu'elle habitait juste là, et qu'elle cherchait un petit bureau pour son fiston de cinq ans. Ah oui, pour faire ses devoirs !, avançais-je pour faire le malin. Non, à cinq ans, les devoirs… Si j'avais, une fois de plus, fait chou-blanc en matière d'humour, cela heureusement avait échappé à ma compagne qui, elle ne put réprimer un petit commentaire vachard à propos de cette femme qu'elle imaginait davantage dans un salon de coiffure ou d'esthéticienne que dans un bloc chirurgical… Comment voulez-vous que je parvienne à soigner mon machisme ancestral ?
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Le soir, en guise de consolation et de couronnement du dimanche, je me lançai dans la conception du premier feu de la saison. Et acceptai, après moultes réticences, de jeter un œil sur Before the flood, le documentaire produit par DiCaprio. Devant s'atteler sous peu à un scénario de fable fantastico-écolo, ma blonde tenait à visionner la chose et, c'est l'argument qui m'a vaincu, c'était hier le dernier jour où nous pouvions le faire par streaming gratuit. Pourquoi, pensai-je jusqu'alors, fallait-il regarder ce truc, orchestré par l'un de ces mâles dominants de Hollywood chers à la Kunis, alors que se produisent, avec bien plus de difficultés, plein de petits documentaires intéressants sur ce type de sujet ? Devant les moyens déployés par l'acteur, son réalisateur, National Geographic et les autres financiers, je fermais vite ma grande gueule et éprouvais à la fois satisfaction (de voir ces thèmes évoqués), effroi (devant l'étendue des dégâts actuels et à venir), irritation (un temps, face à l'omniprésence narcissique de l'acteur et sa naïveté), révolte (devant la connue inertie du politique et le cynisme d'un système économique suicidaire), et espoir (en imaginant l'impact de ce surmédiatisé exposé de vulgarisation intelligente)…
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En préparant le dîner, je parvins à convaincre ma blonde de passer un coup de fil à un de ses amis "qui ne va pas bien". La dernière fois que nous l'avions croisé, c'était le 31 décembre. Nous nous rendions dans son quartier enterrer 2015 à coups de coupes de champagne chez des amis de ma belle. De son côté, Jacques filait dîner en amoureux. C'est la seule fois que j'ai aperçu l'heureuse élue, comme nous disions bêtement à l'époque. Et dont je ne garde qu'un vague souvenir. Depuis, j'ai appris qu'ils s'étaient lancés dans l'achat de l'appartement voisin de celui de Jacques en vue de travaux d'agrandissement, de mener une vie de couple et, c'était dans les tuyaux, de faire un enfant. Je n'avais jamais imaginé Jacques, que je connais peu dans le fond, jouer au papa. Déjà le voir avec une femme à son bras constituait un événement, lui qui ne s'était jamais remis d'une rupture vieille de presque dix ans… Et puis, je ne sais plus comment, à la rentrée, ma compagne apprit qu'il n'allait pas bien, que le joli couple s'était séparé… Avant même la signature de l'acte d'achat, au cours de leurs premières vacances passées ensemble, l'affaire sentimentale avait capoté. Mais il était trop tard pour reculer – et Jacques ne voulait pas mettre dans l'embarras ses anciens voisins qui avaient déjà acheté autre chose – et les ex durent se retrouver un mois après leur séparation chez le notaire pour l'achat de ce qui ne serait jamais leur bien commun. Depuis, la fille occupe l'appartement acheté à deux, n'a pas les moyens de racheter la part de Jacques, tandis que Jacques, maudissant le jour où il a rencontré cette fille – et dont il ne veut pas parler –, se barricade sur le même palier, refusant de répondre au téléphone, de rappeler les amis qui prenent de ses nouvelles… Après cet appel, j'apprends que le tableau n'a guère évolué. Jacques semble se complaire dans son malheur, rejette toute idée de solution (par exemple, la vente de son appartement avec changement d'air à la clé), ne veut voir personne, ne mange plus, et espère l'arrivée de la maladie devant l'emporter. Ma belle a insisté pour qu'il accepte de la voir et qu'ils se parlent autrement que par téléphone. Il n'en a pas la force, ne promet rien. Faut-il aller défoncer sa porte ? Le conduire au cimetière, de son vivant, comme le faisait Cioran avec ses amis dépressifs ? Attendre des jours meilleurs ? Prier pour lui ? En informer les services sociaux ? Châtier cette chienne qui rend suicidaire notre ami ? Nous en étions là de nos questions lorsque nous réalisâmes que, sans connaître le fond de l'affaire – si toutefois il y en a un –, démunis devant tant de sombre obstination, nous prenions le parti de Jacques, le parti de l'homme contre la femme qui, forcément, avait tout manigancé et se la coulait douce désormais, jouissant entièrement d'un bien qu'elle n'avait acquis que pour moitié. Effectivement, Elisabeth, difficile de faire bouger les choses…
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