jeudi 12 mars 2015

Tous à poil !



Là, en surfant sur mes sites de foot espagnols préférés, considérant la confirmation de certaines non-nouvelles, je tombe sur une info publiée par un autre journal, un des titres du même groupe, je pense. Il est question de Kim Kardashian. J'ai cliqué sur la nouvelle nouvelle, la même que d'habitude : cette fille pose nue. Mais, nous dit l'accroche, c'est son nu le plus naturel. 
Je ne sais pas qui est cette femme. Enfin, si. Je sais qu'elle passe sa vie à poil. Comment ignorer ce trait de caractère, le principal chez ce personnage ? C'est l'œuvre de sa vie, sa manière d'exister. Je ne connais pas son histoire, d'où elle vient, ce qui l'a placée dans une émission de télé-réalité, ce qu'elle fait de ses journées, mis à part du shopping et des selfies… Je me souviens qu'il y a à peine quelques jours, une autre info, sur laquelle je n'avais pas cliqué, que je n'ai pas envie de chercher tant tout cela a peu d'intérêt, par sa répétition, par son insignifiance déclarait que la belle poupée riche et célèbre "avait du sexe" 500 fois par jour… Je n'ai pas creusé la question, ai fui les calculs draconiens supposés démontrer l'absurdité mathématique de telles affirmations. 
Je me demande simplement ce qui pousse certaines personnes à montrer leur cul en permanence. La provocation, la recherche du buzz, le narcissisme photoshopé, la pub déguisée pour l'industrie de la chirurgie esthétique, la disparition de l'intime… ? J'imagine que cette fille, à l'instar d'une Paris Hilton est devenue une pipole grâce à la grâce du trash. Je me trompe peut-être, mais je ne veux pas enquêter, vérifier et n'ai rien lu là-dessus, peu entendu. 
Je repense alors à la courte conversation de ce soir avec mon neveu, 23 ans, en voiture. Selon lui, la génération après la sienne est foutue. Je l'ai connu tout petit pour ainsi dire puisque je l'ai vu naître, je l'aime beaucoup. Je me souviens qu'adolescent, il dormait avec son portable sous l'oreiller. J'ai eu beau l'avertir, tenter de le ramener à la raison, lui offrir des livres à chaque anniversaire, à chaque noël – comme à tout le monde –, rien n'y faisait. S'il lit très peu, sort beaucoup, il n'en réfléchit pas moins. Nous sommes la génération entre-deux, celle qui a vu l'arrivée du numérique, et a connu l'avant, me disait-il dans la voiture nous ramenant de Casto. La suivante, pensait-il, ce sera difficile, tant l'entreprise d'abrutissement semble l'avoir emporté. J'ai pensé un court moment à moi dans cette voiture chargée de bois pour les derniers feux de la saison. A mes litanies que, honteux, je pensais vieilles et fatigantes et qui ont fait leur chemin, malgré tout. Passé l'autosatisfaction, j'ai réellement éprouvé un petit bonheur, la fierté d'être son parrain, surtout lorsqu'il a rajouté, on peut encore penser, nous, mais ceux qui viennent derrière, ce ne sera plus possible. Même si l'analyse était simplifiée, voire radicale, elle avait le mérite d'exister dans cette vieille caisse cherchant à éviter les embouteillages des heures de pointe.
Ce que l'on a appelé, un temps, les nouvelles technologies a donné l'essor à une culture narcissique ; l'être filmé, photographié, exposé, biographé, jouissant du moment, de l'instant, de la situation, en public, en partage avec tous ses "amis". 
Comme on le sait, la partie du corps que tout un chacun éprouve le plus de difficultés à regarder est celle sur laquelle il s'assied et grâce à laquelle il peut faire, aujourd'hui plus que jamais, carrière. La photographie à portée désormais, grâce au numérique, du moindre imbécile pourvu d'un index, à l'appareil dans l'appareil, permet à tous et à toutes – Dieu sait combien cette partie de l'anatomie humaine est au centre des préoccupations de bien des femmes, en raison notamment du regard des hommes et de la tyrannie de certaines normes de beauté – de selfier son cul, d'en prendre la température en quelque sorte. Où en est-il ? Retouché ou pas, soumis au régime ou à la liposculpture, comment va-t-il, si j'ose dire ? C'est le stade ultime et régressif dans lequel sombrent bien des individus victimes de l'infantilisation de nos absurdes existences. Après tout, montrer aujourd'hui son cul en public, n'est-ce pas, comme autrefois au cours d'une villégiature quelque peu ennuyante, ou tout simplement afin d'épater ses copains, une activité semblable à l'envoi d'une carte postale?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire