dimanche 1 mars 2015

L'info en continu


On vient d'annoncer la mort de Martin Bouygues. Aussitôt, la twittosphère se met en branle, hommages et fayotages en avant : Laurence Ferrari, ex de la chaîne qui vend du temps de cerveau disponible au soda américain hégémonique, se souvient du grand patron et de l'homme intègre. De même, Jean-Michel Apathie, éditocrate péremptoire de RTL, Canal, et on ne sait plus quoi, salue le grand entrepreneur. Les chiens de garde sont bien dressés. Que s'est-il passé ? L'œuvre d'une cellule dormante d'Al Qaeda ? Poutine ? La Corée ? Mélenchon ?
Que nenni. La nouvelle est à peine sortie qu'elle est démentie. Les voilà tous qui avalent leur honte et expriment leur joie. Et c'est Manuel Valls en personne, notre grand Premier ministre, qui se charge de la com' et de se réjouir d'avoir eu Martin au téléphone, tous deux partageant leur étonnement. L'AFP s'excuse platement, on vérifie que les têtes sont toujours, momentanément, accrochées au-dessus des épaules et on cherche le coupable, un stagiaire ou une malencontreuse série de dysfonctionnements. Il y a bien eu un Martin mort, mais cela aurait aussi bien pu être un Dupont ou un Dubois. Un journaliste flairant le buzz se serait précipité pour être le premier à relayer la fausse nouvelle.
Ainsi va l'information. Comme dans les cinémas d'antan, séance permanente. Comme dans les multiplexes d'aujourd'hui, il faut toujours qu'il s'y passe quelque chose, ou tout au moins que l'on y donne l'illusion de l'événement. On cherche l'horaire des séances comme on cherche le comptoir d'embarquement à l'aéroport, en levant la tête, ahuri, vers les écrans en rotation continue. What's next ? 
Mais les journalistes auront désormais toujours un train de retard. L'info, ce n'est plus l'AFP qui l'assure, mais bel et bien Matignon. C'est là que l'on sait faire fructifier au mieux le temps de cerveau disponible du citoyen-spectateur. 

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