Quand j'étais môme, Gabin, c'était la télé. Les films du dimanche soir. Je crois que mon père l'aimait bien, mais il ne regardait que très rarement le cinéma à la télé, sauf les films noirs donc. Et je crois que ma mère ne l'aimait pas trop, lui préférant Gérard Philipe – je sais…
Je n'ai pas vu Le clan des siciliens et ce genre de productions, découvert récemment Le pacha – pas terrible d'ailleurs.
Je me souviens de Maintenant, je sais. Ça nous faisait rire quand il s'essayait de chantonner, la voix mal assurée. On ne savait pas qu'il avait commencé par là, danseur, chanteur, peut-être même gigolo comme Delon plus tard.
Ce n'est qu'avec la soif de voir, de découvrir, de sortir de la nasse, vers 20 ans, avec les ciné-clubs de Claude-Jean Philippe et de Patrick Brion, que j'ai découvert le Gabin des années 1930 : Pepé le Moko, La bandera, Le jour se lève, La belle équipe, La bête humaine, La grande illusion… Que des classiques à son palmarès en une poignée d'années, pépère. J'avais face à moi, dans le noir et en noir et blanc, seul, quand tout le monde pionçait à la maison, et moi-même luttant contre le sommeil, ce type qui ressemblait aux copains de mon père, crédible dans ces métiers de prolos. Ça parlait comme quand j'étais môme et ça se déroulait dans des décors que je croyais avoir connus. En ce temps-là, la banlieue commençait sa longue agonie défigurée mais les terrains vagues, les "immeubles de rapport", la vie de quartier, les usines, les bistrots abordables, ça existait encore – et plus qu'il n'en fallait, comme on l'a vu par la suite.
La Nouvelle vague pouvait avoir brocardé le cinéma de papa, j'aimais Gabin, sa présence, son assurance. Ses personnages et ses drames me touchaient davantage que les historiettes des jeunes premiers du cinéma-stylo, du cinéma à la première personne, mis à part quelques exceptions. Mais je me sentais obligé d'aimer Chabrol, Rohmer, Godard, Truffaut et tous les autres. Et Bresson et son cinématographe, pôle opposé du "réalisme-poétique" de Carné/Prévert, Duvivier, Renoir et cie. Pour plaire à qui, on se le demande.
En lisant l'an passé la biographie de Renoir par Pascal Merigeau, je me suis bien marré. J'ai retrouvé, en plus détaillé bien entendu, les prises de position ordurières du fils de Pierre-Auguste Renoir, relatées longtemps par le seul Henri Jeanson. Et les retrouvailles houleuses de ces deux vieux amis pour French cancan. Gabin le résistant ne pardonnera jamais à l'autre Jean ses déclarations à propos du trop de juifs dans le cinéma français, sa collaboration zélée avec Vichy et sa fuite en Amérique. Bizarrement, c'est ce Jean que ceux que l'on a nommé les jeunes Turcs se sont choisi comme parrain.
Aujourd'hui, le cinéma du dimanche soir a certainement disparu des petits écrans. Je n'en sais rien et je m'en contrefiche. Aucun programme ne fédère autant que les émissions de téléréalité, ces exhortations à la délation collective, nouveaux jeux du cirque à l'instar des débats politiques ou des rencontres sportives. Je ne suis plus rien. Je ne cherche même plus à comprendre.
Gabin a reconnu n'avoir pas fait que des chefs d'œuvre, comme on dit, avoir joué sur le tard sur une corde idéologique ambiguë, mais Gabin restera à jamais, j'en suis sûr, ma madeleine à moi.
vendredi 30 janvier 2015
Monsieur Jean
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Contre toute attente, il est génial aussi en demi-mondain roublard et défraîchi, dans "le baron de l'écluse" que j'ai découvert récemment.
RépondreSupprimer