mardi 7 juillet 2015

Comme au cinéma




On était hier soir à la projection du film de Philippe Le Guay, Floride, coup de cœur de la SACD. J'en suis encore tout vaseux. Je parle de mon estomac. A cause du cocktail qui suivait. En fait de cocktail, aucun cocktail, en fait. Du mauvais vin, rouge ou blanc, au choix, de l'eau, pétillante ou plate et des petits fours à peine décongelés. Alors bien sûr, on se laisse avoir. On sort de la salle, enfin, sur le coup de 22 heures, le ventre vide et le gosier sec et on s'empoisonne gaiement, sciemment. Comme si film et post-amuse-gueules allaient obligatoirement de pair, étaient la même punition. L'un prépare l'autre qui vient nous récompenser. Ou nous enterrer définitivement. 
Le film n'est pas mauvais. Il y a surtout Rochefort et ses 85 piges qui cabotine souvent et on le lui pardonne, tant c'est émouvant, tout ce qu'il représente, son dernier film, et le toutim. Il y a aussi Kiberlain qui est bien, comme souvent, sans plus. On imagine que Le Guay s'est amusé à diriger l'ensemble, à choisir ses beaux décors, à filmer cette bourgeoisie propre sur elle malgré quelques accidents dûs au grand-âge. On se raconte tout cela, comme le storytelling promotionnel habituel. Nul besoin de s'en munir, on fait le travail tout seul au cours de la projection, plus ou moins consciemment. Le système est bien rodé. Trop. Bien rodé, bien ficelé, propre, pas dérangeant, presque émouvant, parfois drôle, tous les ingrédients réunis pour lâcher, comme mon ami Pierre, entre deux ballons de rouge un « Ça va marcher, ce film ». Oui, certainement. Ça glisse tellement bien. Tout le catalogue de la vieillesse-naufrage y passe. Tous les clichés sur les aides à domicile aussi : la moche, la Roumaine jolie mais voleuse, la black au portable greffé à l'oreille… Ah oui, faut dire que c'est l'adaptation d'une pièce de Florian Zeller, notre Guitry 2.0.
Autrefois, quand internet n'existait pas, que les écrans ne nous avaient pas encore totalement coupé du monde en nous connectant à lui non-stop, que l'on avait de la curiosité pour autre chose, on appelait ce genre de produits de qualité France, inoffensifs, les films du dimanche soir. Aujourd'hui, le film du dimanche soir n'existe plus. Comme se font rares les films novateurs, inconfortables, risqués, ratés. Il nous reste ces programmes pour grilles de chaînes et lecteurs de Télérama, téléchargeables en HD, DVD en tête de gondole pour une vie Auchan. Ça maintient la part de marché, fait marcher la petite industrie. Et désole parfois celles et ceux, vieux cons, qui ont un jour aimé le cinéma et se contentent difficilement de ces pâles copies, imitations en trompe-l'œil. 

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