samedi 4 juillet 2015

Franz, Max et Esther



J'apprends justement ce matin la fin du procès de Kafka. Plus précisément, les archives de Max Brod. C'est-à-dire, les manuscrits, certains inédits, de Franz Kafka. Peu avant de mourir en 1924, l'écrivain pragois avait, comme on le sait, demandé à son vieil ami Max, son exécuteur testamentaire, de brûler tous ses manuscrits. Il n'y avait là, pensait-il, rien de bon, rien qui ne passerait à la postérité. Or, comme on le sait également, Brod, après s'être réfugié en Israël en 1939, n'écouta pas son ami, qui n'était plus là d'ailleurs pour voir certains de ses textes, achevés ou pas, publiés, traduits, et très bien achetés du vivant de Brod. 
Brod consacra d'ailleurs l'essentiel de sa vie à faire une place, et quelle place, à l'oeuvre de son ami défunt. Avant de s'éteindre à son tour, tout a une fin, Brod confia ses archives à sa secrétaire particulière, Esther Hoffe, lui ordonnant de les confier à la Bibliothèque de l'université de Jérusalem, ou bien à la bibliothèque de Tel Aviv, en faire tout au moins des archives publiques, consultables par tout chercheur qui le solliciterait. L'Histoire n'étant qu'une succession d'actes stupides et mal intentionnés, de petites rébellions et de désobéissance infantile, voire intéressée, Esther n'en fit qu'à sa tête, ce qui, à ce qu'on dit, fit du bien à son compte en banque. Devant le succès inespéré des oeuvres de Kafka, l'amour des livres d'Esther, celle-ci vendit au plus offrant nombre des manuscrits du phtisique pragois qu'elle considérait pour ainsi dire comme une collection particulière. Ironie de l'histoire, certains de ces écrits ont fini aux Archives de la littérature allemande, dans la ville de Marbach am Neckar, dans le Bade-Wurtemberg. Par ailleurs, une dizaine de cartons furent fort-coffrés dans des banques de Tel Aviv ou de Zurich.
En 2007, à la mort de cette chère, très chère Esther, les autorités israéliennes décidèrent de mettre un peu d'ordre dans les papiers et de respecter la volonté, non de Kafka, mais de Brod. Les héritières de la secrétaire ne l'entendirent pas de cette oreille et se lancèrent dans un procès contre l'Etat du Peuple du Livre. 
En 2012, la juge aux affaires familiales, Talia Kopelman-Pardo, estimait que les archives de l’écrivain tchèque devaient être remises à la Bibliothèque nationale de Jérusalem. L'une des filles d'Esther fit appel. Près de 100 ans après la disparition de l'auteur du Procès, par une décision du Tribunal de Tel Aviv, tous ses manuscrits sont désormais propriété de l'Etat d'Israël. La récupération de l'ensemble risque de se révéler quelque peu kafkaïenne (pardon, mais je m'étais retenu jusque-là...)

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