vendredi 24 juillet 2015

Une jeunesse dans le noir



J'avais une vingtaine d'années et, je ne sais plus ce que j'avais dans la tête pour me lancer dans un projet de livre autour de la jeunesse au cinéma. De l'inconscience, certainement. Il me semble que c'est un client de la librairie, Jean Narboni, qui après avoir lu un de mes articles, m'avait suggéré l'idée, et souhaitait me présenter Serge Daney qui, certainement, me donnerait des pistes d'éditeurs et un angle d'attaque pour le bouquin. Il attendait le bon moment pour le faire, Daney étant déjà malade. 
J'avais contacté quelques cinéastes, à l'époque c'était assez simple et ça se faisait souvent par écrit. Par courrier postal, je veux dire. Le premier, évidemment, Pialat. On ne s'est pas vu, mais on a échangé des lettres. Je ne sais pas ce qu'elles sont devenues. Ni ce qu'elles contenaient vraiment. Il était occupé par la préparation d'un film et, il me semble, pensait que faire un livre sur le cinéma, c'était con. Mieux valait faire un film. Celui que j'ai rencontré, c'est Doillon. Je me souviens qu'il m'avait reçu dans son studio près de la Sorbonne. On avait parlé des heures durant, j'en notais les grandes lignes sur mon cahier d'écolier. On avait peu abordé le sujet, je crois. Ce dont je me souviens surtout, une vingtaine d'années plus tard, c'est l'amère nostalgie de Doillon, un goût de deuil du cinéma sur la langue. Il rappelait que dans sa jeunesse, le cinéma, c'était autre chose, on passait son temps dans les salles. La même année, on avait, outre les films des gars de la Nouvelle vague, un Antonioni, un Huston, un Fellini, un Rossen, un Zurlini, un Kazan, un Edwards, un Pasolini, un Mizoguchi, un Buñuel, un Wilder, un Bergman, un Mann, un Kurosawa, un Melville, un Ray, un Ray, un Germi, un dernier Ford… J'avais aimé cette rencontre mortifère, même si je trouvais qu'il exagérait un peu, le frère Jacques. Aujourd'hui que j'ai l'âge d'être un vieux con, que ce livre n'a jamais existé, j'éprouve également cette nostalgie pour un temps d'or du cinéma… que je n'ai pas connu. 

2 commentaires:

  1. "La même année, on avait, outre les films des gars de la Nouvelle vague, un Antonioni, un Huston, un Fellini, un Rossen, un Zurlini, un Kazan, un Edwards, un Pasolini, un Mizoguchi, un Buñuel, un Wilder, un Bergman, un Mann, un Kurosawa, un Melville, un Ray, un Ray, un Germi, un dernier Ford…" On avait aussi un film de Sam...

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