mercredi 17 février 2016

Various Positions



- Elle a dit ça ?
- Attends, je retrouve la phrase exacte.
- On s'en reprend une ?
- Tiens, écoute ça : «Pour l’avenir, je n’exclus rien. Je ne peux pas imaginer une seconde ne pas jouer un rôle dans le destin de ce pays»... Ils ne doutent de rien, ces gens-là.
- Elle va encore déclarer qu'il s'agit d'une erreur de communication.
- Même pas. Je pense que ces énarques, dès le début de leurs études, se voient investis d'une mission, se sentent au service de la France.
- Quand ils ne sont qu'au service des marchés financiers et de la pérennité du système.
- Finalement, tu as regardé le foot hier ?
- Tu changes de conversation ?
- Je sens sinon qu'on est parti pour la soirée...
- On n'en est qu'à la troisième bière !
- Parti, je voulais dire...
- ...Je sais. Je sais parce que je ne suis pas encore parti, justement. T'as regardé, toi ?
- Ben, j'avais que ça à faire...
- Tu peux aussi prendre un bon bouquin et lire.
- Dès que je lis deux pages, je m'endors. Je sais pas ce que j'ai en ce moment.
- Le poids des années.
- Je te signale qu'on a le même âge à quelques mois près.
- T'as fait quoi, pour ton anniversaire ?
- Rien. Je suis sorti un peu.
- Seul ?
- Ben oui.
- Putain, être né le jour de la Saint-Valentin et passer constamment son anniversaire tout seul...
- Ça n'a pas toujours été comme ça. Et puis, j'en ai rien à faire de la Saint-Valentin.
- Heureusement pour toi !
- Parce que t'en as quelque chose à foutre, toi ?
- Non, la seule fois que je l'ai fêtée, en me ruinant pour une bague, la fille m'a quitté la semaine suivante. 
-
T'as regardé ou pas ?
- Ben, non, elle est partie avec !
- De quoi tu parles ? Je te demande si tu as regardé le match...
- Ah ! J'ai cru que tu me demandais si j'avais quand même gardé la bague.
- T'es sûr que ça va ?
- Oui, on en reprend une dernière et on y va, non ? Au fait, c'est pas à toi que j'ai prêté Various Positions ?
- Plaît-il ?
- Un disque de Leonard Cohen que je ne retrouve plus.
- J'en ai rien à faire de ton chanteur geignard !
Tu m'as toujours pas dit pas si tu l'avais regardé.
- J'ai survolé.
- Survolé ?
- Oui, comme il m'arrive parfois de survoler un magazine féminin qui traîne à la maison.
- Pour l'horoscope ?
- C'est exactement ça. Le peu que j'ai vu du match m'a donné l'impression de lire des prédictions interchangeables.
- Entre le PSG et Chelsea ?
- Oui, deux équipes interchangeables, aussi prévisibles et ennuyeuses, sans âme. Si ces équipes arrivent à gagner la Ligue des champions, j'arrête de regarder le foot... 
- On ne se voit déjà pas beaucoup... 
- C'est que ça revient cher d'aller voir le foot dans les bars ! Et puis, ces matchs-là, franchement, ça ne mérite même pas que tu t'emmerdes à chercher un bon streaming... 
- T'es trop mal habitué...
- ...Au Barça ?
- Oui, ce jeu de redoublement de passes, de gestes techniques invraissemblables, des fois, j'ai l'impression de voir un match d'exhibition, genre Harlem Globetrotters, tu sais ?
- Des exhibitions qui en font l'équipe la plus titrée de ces dernières années.
- OK, mais je préfère le jeu plus direct, où ça cavale d'un bout à l'autre du terrain.
- Barcelone a ajouté cette facette à son jeu depuis que Luis Enrique dirige l'équipe.
- Ouais, mais il y a toujours la tradition.
- T'es contre les traditions ?
- Oui, et non, je ne sais pas.
- Tu vois, c'est presque ce que je reprocherais au PSG ou à Chelsea. Des clubs appartenant à des milliardaires, qui y investissent pour blanchir de l'argent à coups de transferts faramineux, de rétrocommisions...
- T'exagères pas un peu ?
- Amigo, le fric du foot passe par les mêmes circuits que l'argent de la drogue, celui des armes ou de la prostitution. Le même fric qui permet de corrompre les hommes politiques...
- C'est reparti !
- Oui, là, je commence à partir, je le sens bien... Mais tout ce que je dis est vrai.
- La théorie du complot, c'est ça ?
- Qui a parlé de ça ? T'es con ou quoi ? Ce que je te raconte c'est le fonctionnement de l'économie telle qu'elle existe à l'échelle planétaire et au service de laquelle sont condamnés la plupart des Etats !
- C'est bon, ne t'énerve pas !
- Je suis pas énervé : j'explique, j'argumente, j'étaie !
- T'étais ? T'étais quoi ?
- J'étais con quand je t'ai choisi comme camarade de soûlographie !
- Je te remercie.
-
T'as dit quoi sur Leonard Cohen ?

2 commentaires:

  1. On s'en prend une quatrième si tu veux. Et d'autres qui suivront avant la mise en bière.

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