Le glissement spectaculaire de la vie politique et intellectuelle vers la droite en France au cours des trente dernières années s’est opéré principalement dans et autour du Parti socialiste. Ce qui se déroule sous nos yeux est l’aboutissement de ces processus. Qu’Emmanuel Macron ait été l’un des proches conseillers de François Hollande, puis son ministre de l’économie, et en tout cas l’un des inspirateurs de sa politique économique (la « Loi travail » dite « Loi El Khomri » était une version adoucie de celle qu’avait préparée Macron) constitue l’un des symptômes les plus éloquents de cette dérive droitière. Macron est en quelque sorte la créature monstrueuse qu’a engendrée le long compagnonnage de cette gauche de droite et des milieux de la haute technocratie d’Etat, de la banque et de la finance. Que les hiérarques du Parti socialiste aient été si nombreux à se rallier à sa candidature, ouvertement ou discrètement, nous renseigne amplement, hélas, sur ce qu’ils étaient devenus, et sur ce qu’était devenu leur parti. Si le candidat officiel de ce parti leur a paru trop à gauche, c’est parce qu’il avait le grand tort d’être de gauche et d'avancer des idées fidèles aux exigences minimales d’un projet de gauche.
Et voici donc, aujourd’hui, que toutes les puissances – politiques, économiques, médiatiques ‒ qui ont promu ces politiques économiques et anti-sociales dont nous avons sous les yeux les résultats effarants, mènent activement campagne en faveur du candidat technocrate-banquier d’affaires qui leur plaît tant, parce qu’il leur ressemble tant (l’affinité des habitus et des intérêts fait des miracles qu’aucun orchestrateur diabolique n’aurait su accomplir) et qui annonce qu’il va non seulement poursuivre, mais accentuer ce qui nous a menés à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Et afin que toutes ces mesures jugées par lui – par eux – « nécessaires », c’est-à-dire tout ce qui va contribuer à démanteler plus avant ce qui reste du welfare state, soient adoptées plus rapidement, il déclare qu’il procédera par « ordonnances », c’est-à-dire par décrets, sans passer par la délibération parlementaire (qu’aurait-on entendu si c’était Jean-Luc Mélenchon qui avait tenu de tels propos : anti-démocrate, autoritaire, dictatorial…). On imagine alors comment seront traités ceux qui oseront descendre dans la rue pour manifester contre les mesures imposées dans de telles conditions. Nous en avons eu un avant-goût avec Monsieur Valls. Les gaz lacrymogènes nous attendent. Et les grenades de désencerclement.
En réalité, ce que l’on nous propose, c’est d’accepter la mise en place d’une gouvernementalité technocratique, dans laquelle les « experts » décideront, au nom d’une « rationalité » dont ils seraient les seuls détenteurs, tout nourris qu’ils sont de leur « science » incontestable (l’économie dans sa version ultra-néolibérale), en matraquant, dans tous les sens du terme, les masses récalcitrantes qu’ils accuseront d’être gouvernées par leurs « passions irrationnelles » et d’être attardées dans leur refus de la « modernisation »...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire