Lorsque je suis à Madridles cafards de chez moi protestent parce que je lis la nuitLa lumière ne les encourage pas à sortir de leurs cachettes,et ils perdent ainsi l'occasion de se balader dansma chambrelieu pour lequel‒ pour d'obscures raisons –ils se sentent irrésistiblement attirés.Ils entendent aujourd'hui déposer plaintedevant le président de la républiqueet je me demandeMais dans quel pays s'imaginent-ils vivre ?Ces cafards ne lisent pas les journaux.Ce qui leur plaît c'est que je m'enivreet danse le tango jusqu'à l'aube,pour ainsi effectuer sans risque aucunleur ronde incessante et absurde, à l'aveugle,sur les larges tomettes de mon alcôve.Il m'arrive parfois de les satisfaire,non que je tienne compte de leurs désirs,mais je me sens irrésistiblement attiré,pour d'obscures raisons,par certains lieux très mal éclairés,dans lesquels je m'attarde sans plan précis,attendant que le soleil naissant annonce une nouvelle journée.Et lorsque de retour à la maison,j'aperçois dans le couloir leurs petitscorps s'échapper,maladroits et effrayés,vers les sombres fissures qu'ils habitent,je leur souhaite bonne nuit à contre-temps,‒ mais de tout coeur, sincèrement ‒reconnaissant en moi leur incertitude,leur importunité,leur photophobie,et bien d'autres tendances et comportementsqui ‒ je regrette de le dire ‒ne plaident pas vraiment en faveur de ces orthoptères.Ángel González, trad. maison
mardi 18 avril 2017
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