— …Tu ne connais pas l'histoire des élections ?
— Non, je ne lis jamais les journaux.
— Celle-là n’était pas dans les journaux. C’est quelqu’un qui me l’a racontée.
— Alors je t’écoute.
— Eh bien ! Cela s’est passé il y a quelque temps dans un petit village de Basse-Égypte, pendant les élections pour le maire. Quand les employés du gouvernement ouvrirent les urnes, ils s’aperçurent que la majorité des bulletins de vote portaient le nom de Barghout. Les employés du gouvernement ne connaissaient pas ce nom-là ; il n’était sur la liste d’aucun parti. Affolés, ils allèrent aux renseignements et furent sidérés d’apprendre que Barghout était le nom d’un âne très estimé pour sa sagesse dans tout le village. Presque tous les habitants avaient voté pour lui. Qu’est-ce que tu penses de cette histoire ?
Gohar respira avec allégresse ; il était ravi. « Ils sont ignorants et illettrés, pensa-t-il, pourtant ils viennent de faire la chose la plus intelligente que le monde ait connue depuis qu’il y a des élections. » Le comportement de ces paysans perdus au fond de leur village était le témoignage réconfortant sans lequel la vie deviendrait impossible. Gohar était anéanti d’admiration. La nature de sa joie était si pénétrante qu’il resta un moment épouvanté à regarder le mendiant. Un milan vint se poser sur la chaussée, à quelques pas d’eux, fureta du bec à la recherche de quelque pourriture, ne trouva rien et reprit son vol.
— Admirable ! s’exclama Gohar. Et comment se termine l’histoire ?
— Certainement il ne fut pas élu. Tu penses bien, un âne à quatre pattes ! Ce qu’ils voulaient, en haut lieu, c’était un âne à deux pattes.
Excellentes références... Bravo.
RépondreSupprimerJe sais, cher Promeneur, que Cossery est de vos auteurs chéris... Merci à vous de votre fidélité.
SupprimerAlbert Cossery : je me demande combien se déplaceront, ce dimanche, pour leur deux-pattes.
RépondreSupprimerJ'attends, cher Chris, les derniers sondages... Ils devraient confirmer ce que nous croyons savoir...
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