jeudi 19 février 2015

François la brocante


Hier soir, notre facétieux président de la République, qui ne rate jamais l'occasion de faire le clown en public, remettait la Légion d'honneur aux deux Prix Nobel français, Patrick Modiano et Jean Tirole. En présentant l'auteur d'Accident nocturne, François Hollande indiquait qu'il était écrivain, précision, affirmait-il, destinée à « ceux qui n'auraient pas eu jusqu'à présent une connaissance de vos ouvrages »… Il s'agissait bien entendu d'une petite pique démago à l'attention de sa ministre de la culture, la ravie de la crèche, Fleur Pellerin. Abonné à l'Almanach Vermot, Hollande s'en est donné à cœur joie : « De La place de l'étoile à Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier – vous y êtes (rires) –, vous avez créé un univers…» Avant de conclure le plus logiquement du monde : « Vous êtes français parce que vous êtes universel et c'est ce que le prix Nobel a voulu signifier ».
Hollande pouvait faire le malin devant un parterre de journalistes et de caméras, lui qui s'est souvent vanté de ne jamais lire de roman. Les temps changent, certainement. Et ça nous rappelle un autre président qui, après quelques paroles navrantes sur un classique de la littérature, s'était reconstruit une légitimité culturelle à coups de fiches cuisine rédigées par bobonne et ses conseillers. En attendant, voilà quatre ans que Sarkozy balade Guerre et paix sous le bras à chacun de ses déplacements médiatiques, déclarant récemment « Ca fait tout de même 2 200 pages ! Et j'en ai lu 60%. C'est vraiment fascinant ». 
Quand le tour de Tirole est arrivé, François, roi de la récup', n'a pu s'empêcher de faire référence à la scélérate loi Macron en s'abritant devant la respectabilité de l'économiste libéral, dont les travaux portent en grande partie sur la flexibilité du monde du travail, et récemment distingué par la Banque de Suède. Oui, oui, la Banque de Suède. Jamais Alfred Nobel n'a souhaité couronner un économiste. Partant, il n'existe pas de Prix Nobel d'économie. C'est l'institution financière suédoise qui, chaque année, « en hommage à Alfred Nobel » attribue, toute seule comme une grande, ce prix abusivement nommé Nobel. Et depuis sa création, la banque récompense les économistes les plus soumis au système libéral, comme cette année l'ami Tirole. De quoi réjouir notre brocanteur de président qui, le naturel revenu au trot, s'est encore donné le beau rôle en relevant la dure condition des économistes, interrogés comme des oracles sur la croissance, la fin de la crise et toutes ces conneries, avant de conclure qu'à la différence des hommes politiques, lorsque les prédictions des économistes s'avéraient fausses, personne ne leur en tenait rigueur… Sacré François, toujours le mot pour rire !

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