J'aime le football. Je n'y peux rien. Et puis, c'est la faute à mon père. Le ballon est au centre des moments heureux que je me rappelle avoir passés avec lui. C'est profondément inscrit, de manière indélébile dans ma culture personnelle. Et je me fous du mauvais goût. Il m'arrive souvent de céder à la tentation de suivre un match plutôt que de me rendre à une soirée barbante. Je n'en éprouve aucune honte. Le jeu évolue, les joueurs continuent parfois à m'éblouir par certains gestes, certaines combinaisons avec leurs coéquipiers, la parade réflexe d'un gardien, le suspens et les rebondissements d'une rencontre de haut niveau, l'injustice d'une décision arbitrale provoquant l'élimination de l'équipe la plus méritante… Un match peut se révéler plus passionnant que bien des films – français ou pas.
J'aime le football. Moins ce qui l'entoure, moins ceux qui l'entourent. Le fric, les comptes offshore, les transferts de joueurs et leurs salaires, certains dirigeants tout droit sortis d'une série sur la mafia, le foot spectacle… Les supporters, les footeux, les footix, tous ceux qui, prétextant la popularité de ce sport se sentent et s'arrogent le droit de commenter, donner leur avis, dire tout et n'importe quoi. Et les autres, ceux qui n'y connaissent rien, qui vomissent le foot et néanmoins parlent de foot à tort et à travers. C'est comme ça. Depuis que les médias accordent le même temps de parole aux footballeurs qu'aux Prix Nobel de littérature, que la vie politique est un programme TV au même titre que "The voice", et que le foot lui-même est omniprésent sur le petit écran, mieux vaut fermer le poste dès que certains ouvrent leur gueule.
Arrigo Sacchi, par exemple. Ce type que les années 1980 ont conduit à la gloire, lorsqu'il entraînait le sulfureux Milan de Berlusconi, reconverti par la suite, après d'autres expériences moins flamboyantes, en directeur sportif, notamment au Real Madrid, club cher à mon père, a donc déclaré récemment, tel un Finkielkraut de comptoir, qu'il y avait trop de noirs en Italie – dans les équipes de foot italiennes s'entend. Je n'ai pas les chiffres. J'ignore à partir de quel nombre on peut, selon Sacchi, parler d'excès. Et puis, je ne suis pas d'assez près le foot italien pour bien saisir les raisons de cette navrante sortie. Je me souviens simplement de quelques épisodes racistes dans les stades, des supporters imitant des cris de singe lorsqu'un joueur noir touchait le ballon. La crise économique étant passée par là, le calcio a perdu de sa superbe depuis bien des années, au point d'être aujourd'hui un championnat secondaire. La Squadra Azzura, l'équipe nationale habituée aux sommets, a gagné son dernier titre en 2006, une Coupe du monde remportée contre l'équipe de France dans les circonstances que l'on sait, coup de boule et expulsion de Zidane entre parenthèses. Tiens, tant qu'on y est, restons-y un moment dans ces parenthèses. Zizou, justement, notre héros national. Un sacré joueur, d'une élégance folle, mais sujet aux pétages de câble inopinés comme lors de cette finale, et doté de peu d'éloquence, c'est le moins qu'on puisse dire, malgré les cours de communication inculqués dès son plus jeune âge, les nombreuses sollicitations micros tendus et caméras braquées dont il a fait l'objet tout au long de sa carrière, et après. Zidane est le prototype du gars qu'on aime voir jouer, mais qu'on redoute d'entendre. Comme lui, il y en a beaucoup. Fermons la parenthèse.
Sacchi donc s'est rapidement défendu après la polémique déclenchée par sa réflexion. Il prétend ne pas être raciste et affirme avoir été entraîné sur un terrain glissant. « J'ai seulement dit que j'avais vu une rencontre avec une équipe qui alignait 4 garçons de couleur. Mon histoire en témoigne clairement. J'ai toujours entraîné des équipes avec plusieurs champions de couleur et j'en ai fait acheter beaucoup aussi bien à Milan qu'à Madrid. Je voulais seulement souligner que nous sommes en train de perdre l'orgueil et l'identité nationale… » Quand je dis que certains feraient mieux de fermer leur grande bouche… Au lieu de s'en sortir par une pirouette, un mea culpa, une excuse bidon à propos de sa belle-mère acariâtre, ou le classique mes-propos-ont-été-déformés-je-n'ai-jamais-dit-ça, le type que l'on pensait au fond du trou démontre qu'il peut creuser davantage. On peut imaginer sans peine que l'entente parfaite avec Il cavaliere ne tournait pas uniquement autour des parties de bunga bunga…
Le football professionnel, en Italie et ailleurs, est une grande famille. Fabio Capello, actuel sélectionneur de l'équipe nationale de Russie, et qui prit au Milan la succession de Sacchi, est sorti du froid pour prendre la défense de son collègue. « Son discours ne se réfère absolument pas à la couleur de peau. Ce qu'il dit n'a rien à voir avec du racisme. Il y a seulement la nécessité de retrouver une identité italienne dans nos équipes : c'est une question d'identité, pas de couleur de peau. » Pas mieux donc. Puis, ce fut le tour de Carlo Ancelotti, un autre ancien de la maison Berlusconi, et actuel entraîneur du Real-Madrid-club-cher-à-mon-père. Au cours d'un duplex en direct avec Sacchi, il s'est contenté d'un « Salut Arrigo, beaucoup d'ennemis, beaucoup d'honneur. Je t'embrasse », sourire en coin, à bon entendeur… C'est que la formule fera écho, pour certains initiés, à un slogan utilisé à sa grande époque par le Duce en personne, en référence à Jules César, et repris en 2012 par… Jean-Marie Le Pen. Je ne sais pas si Ancelotti connaît l'histoire de cet adage, mais son sourire semble en dire long.
Et comment ne pas être pris de nausées devant cet incident stupide, filmé par un téléphone intelligent dans le métro parisien, mettant en scène des supporters abrutis du club du milliardaire russe Abramovich qui empêchent un voyageur noir de monter dans la rame ?
On sait que ces temps de crise profonde, non seulement économique mais de civilisation, sont propices à la réapparition de la bête immonde. La seule valeur spirituelle à s'être imposée au cours du siècle dernier, disait Romain Gary, est la bêtise. Le football ne saurait être épargné. Il restera toujours entre ombre et lumière, pour parodier le titre de l'excellent bouquin de l'Urugayen Eduardo Galeano. C'est un voisin de Galeano, de l'autre côté du Río de la Plata, qui a certainement le mieux incarné ces deux facettes du ballon. Formé dans les bidonvilles d'une banlieue de Buenos Aires, Diego Armando Maradona a fasciné des millions d'amoureux de la pelota. Et en a déçu un grand nombre également en trichant, en fréquentant des types sérieusement louches du côté de Naples et ailleurs, et en sombrant dans les drogues et l'alcool, explosant ainsi en vol une carrière des plus invraisemblables.
Arrigo Sacchi, par exemple. Ce type que les années 1980 ont conduit à la gloire, lorsqu'il entraînait le sulfureux Milan de Berlusconi, reconverti par la suite, après d'autres expériences moins flamboyantes, en directeur sportif, notamment au Real Madrid, club cher à mon père, a donc déclaré récemment, tel un Finkielkraut de comptoir, qu'il y avait trop de noirs en Italie – dans les équipes de foot italiennes s'entend. Je n'ai pas les chiffres. J'ignore à partir de quel nombre on peut, selon Sacchi, parler d'excès. Et puis, je ne suis pas d'assez près le foot italien pour bien saisir les raisons de cette navrante sortie. Je me souviens simplement de quelques épisodes racistes dans les stades, des supporters imitant des cris de singe lorsqu'un joueur noir touchait le ballon. La crise économique étant passée par là, le calcio a perdu de sa superbe depuis bien des années, au point d'être aujourd'hui un championnat secondaire. La Squadra Azzura, l'équipe nationale habituée aux sommets, a gagné son dernier titre en 2006, une Coupe du monde remportée contre l'équipe de France dans les circonstances que l'on sait, coup de boule et expulsion de Zidane entre parenthèses. Tiens, tant qu'on y est, restons-y un moment dans ces parenthèses. Zizou, justement, notre héros national. Un sacré joueur, d'une élégance folle, mais sujet aux pétages de câble inopinés comme lors de cette finale, et doté de peu d'éloquence, c'est le moins qu'on puisse dire, malgré les cours de communication inculqués dès son plus jeune âge, les nombreuses sollicitations micros tendus et caméras braquées dont il a fait l'objet tout au long de sa carrière, et après. Zidane est le prototype du gars qu'on aime voir jouer, mais qu'on redoute d'entendre. Comme lui, il y en a beaucoup. Fermons la parenthèse.
Sacchi donc s'est rapidement défendu après la polémique déclenchée par sa réflexion. Il prétend ne pas être raciste et affirme avoir été entraîné sur un terrain glissant. « J'ai seulement dit que j'avais vu une rencontre avec une équipe qui alignait 4 garçons de couleur. Mon histoire en témoigne clairement. J'ai toujours entraîné des équipes avec plusieurs champions de couleur et j'en ai fait acheter beaucoup aussi bien à Milan qu'à Madrid. Je voulais seulement souligner que nous sommes en train de perdre l'orgueil et l'identité nationale… » Quand je dis que certains feraient mieux de fermer leur grande bouche… Au lieu de s'en sortir par une pirouette, un mea culpa, une excuse bidon à propos de sa belle-mère acariâtre, ou le classique mes-propos-ont-été-déformés-je-n'ai-jamais-dit-ça, le type que l'on pensait au fond du trou démontre qu'il peut creuser davantage. On peut imaginer sans peine que l'entente parfaite avec Il cavaliere ne tournait pas uniquement autour des parties de bunga bunga…
Le football professionnel, en Italie et ailleurs, est une grande famille. Fabio Capello, actuel sélectionneur de l'équipe nationale de Russie, et qui prit au Milan la succession de Sacchi, est sorti du froid pour prendre la défense de son collègue. « Son discours ne se réfère absolument pas à la couleur de peau. Ce qu'il dit n'a rien à voir avec du racisme. Il y a seulement la nécessité de retrouver une identité italienne dans nos équipes : c'est une question d'identité, pas de couleur de peau. » Pas mieux donc. Puis, ce fut le tour de Carlo Ancelotti, un autre ancien de la maison Berlusconi, et actuel entraîneur du Real-Madrid-club-cher-à-mon-père. Au cours d'un duplex en direct avec Sacchi, il s'est contenté d'un « Salut Arrigo, beaucoup d'ennemis, beaucoup d'honneur. Je t'embrasse », sourire en coin, à bon entendeur… C'est que la formule fera écho, pour certains initiés, à un slogan utilisé à sa grande époque par le Duce en personne, en référence à Jules César, et repris en 2012 par… Jean-Marie Le Pen. Je ne sais pas si Ancelotti connaît l'histoire de cet adage, mais son sourire semble en dire long.
Et comment ne pas être pris de nausées devant cet incident stupide, filmé par un téléphone intelligent dans le métro parisien, mettant en scène des supporters abrutis du club du milliardaire russe Abramovich qui empêchent un voyageur noir de monter dans la rame ?
On sait que ces temps de crise profonde, non seulement économique mais de civilisation, sont propices à la réapparition de la bête immonde. La seule valeur spirituelle à s'être imposée au cours du siècle dernier, disait Romain Gary, est la bêtise. Le football ne saurait être épargné. Il restera toujours entre ombre et lumière, pour parodier le titre de l'excellent bouquin de l'Urugayen Eduardo Galeano. C'est un voisin de Galeano, de l'autre côté du Río de la Plata, qui a certainement le mieux incarné ces deux facettes du ballon. Formé dans les bidonvilles d'une banlieue de Buenos Aires, Diego Armando Maradona a fasciné des millions d'amoureux de la pelota. Et en a déçu un grand nombre également en trichant, en fréquentant des types sérieusement louches du côté de Naples et ailleurs, et en sombrant dans les drogues et l'alcool, explosant ainsi en vol une carrière des plus invraisemblables.
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