vendredi 17 juin 2016

Sous silence

 

 

en parlant

Le brouhaha qu'en parlant les hommes 
émettent est si discret et doué de tant 
d'apparences et de dehors qu'on ne saurait 
trouver deux semblables brouhahas : les uns 
parlent gras comme roulement de pierres,
les autres mince, épandant une claire fange
ou de serviles fissures ; les uns prennent 
l'allure de verts adolescents, d'autres celle 
de putains ; certains, telles des barriques
emplies de merde dont aurait chu la bonde,
laissent le brouhaha sourdre lentement de 
leur gosier ; d'autres s'épuisent à lui donner 
plus grande onctuosité, et en ont les yeux
écarquillés ; d'autres le rendent agréable 
au regard, mais il est au toucher plein
de ronces et de chardons ; d'autres le font 
ployer comme un roseau dans le souffle
de leur pensée secrète et de leurs reins
fourbes ; et comment supporter cela ?
comment le passer sous silence ?

Patrik Ourednik, Le Silence aussi,
trad. du tchèque Benoît Meunier, éd. Allia, 2012

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