Je m’appelle Paul Katrakilis et je suis docteur en médecine. Je n’ai jamais exercé. Je loue un appartement sur Hialeah Drive, je possède une vieille voiture aux planchers de dentelle, et un vieux bateau guère plus étanche, équipé, lui, d’un diesel Volvo auquel je confie régulièrement mon destin. Il est amarré dans une marina du sud de la ville sans eau ni électricité.
Je n’aime qu’une chose, la pelote basque, même si je suis né à Toulouse. On y construit tous les avions du monde et pourtant la plupart des pelotaris croient ou considèrent que cette ville est une sorte de lointaine banlieue de Bayonne ou de Guernica. Et quand un Philippin ou un Argentin me demande si, chez moi, il y a un grand Jaï-alaï, je ne peux que répondre : « Non, juste un fronton libre. »
L’hiver, à Miami, c’est la haute saison. Les Américains des grands lacs et des régions des plaines, les Canadiens grignotés par le froid, croient depuis toujours en l’été éternel de la Floride. Alors, ceints de leurs missels et de leur foi météorologique, ils remplissent les hôtels, les bars, les restaurants cubains, juifs, argentins, les casinos indiens séminoles, et les boîtes de nude girls qui fêtent Noël tous les soirs depuis que le monde est monde.
Le 19 décembre 1987, nous avions joué en matinée et rempli le Jaï-alaï le soir en multipliant les quinielas jusqu’à une heure du matin. Parfois la foule rugissait comme un moteur d’avion, à d’autres moments elle émettait un bruit de fond sourd et profond évoquant le ronronnement productif d’une usine au labeur. Et cette usine-là produisait de l’argent et toutes sortes de choses que peut contenir le monde mais qui ne se disent ni se montrent. Cette usine fabriquait aussi des histoires et des légendes, des rumeurs et des crimes.
Paul Katrakilis vit à Miami depuis quelques années. Il a beau y avoir connu le bonheur, rien n’y fait : il est complètement inadapté au monde. Même le jaï-alaï, cette variante de la pelote basque dont la beauté le transporte et qu’il pratique en professionnel, ne parvient plus à chasser le poids qui pèse sur ses épaules. L’appel du consulat de France lui annonçant la mort de son père le pousse à affronter le souvenir d’une famille qu’il a tenté en vain de laisser derrière lui.
Car les Katrakilis n’ont rien d’une famille banale : le grand-père, Spyridon, médecin de Staline, a fui autrefois l’URSS avec dans ses bagages une lamelle du cerveau du dictateur ; le père, Adrian, médecin lui aussi, était un homme insensible, sans vocation ; l’oncle Jules et la mère, Anna, ont vécu comme mari et femme dans la grande maison commune. En outre, cette famille semble, d’une manière ou d’une autre, vouée passionnément à sa propre extinction.
Paul doit maintenant se confronter à l’histoire tragique de son ascendance, se résoudre à vider la demeure. Jusqu’au moment où il tombe sur deux carnets noirs tenus par son père. Ils lui apprendront quel sens donner à son héritage.
Voilà, ça s'appelle La Succession. Il suffit d'être encore un peu patient : ça ne sort qu'à la fin du mois d'août 2016 – une année qui ne sera donc pas totalement perdue !
C'est le nouveau roman de Jean-Paul Dubois dont on n'avait plus de nouvelles depuis Le Cas Snejder (on évitera d'aller en voir l'adaptation télévisuelle cinématographique).
Tiens, quelque chose me dit qu'on va fêter ça, ce soir !
C'est, en effet, une très bonne nouvelle, cher Inconsolé.
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