samedi 25 juin 2016

Et les vacances, abstinence !


Je m'installais à une table ; levant les yeux au plafond, je fus pris de panique : j'étais sous les ampoules électriques, j'aurais pu me croire dans mon souterrain. Je me relevais et sortis dans la rue, et pan ! je me cognai à un copain déjà complètement beurré ; il retourna immédiatement sa poche-poitrine et se mit à chercher longuement quelque chose dans ses papiers, puis il me tendit un certificat de police qui attestait sa sobriété, le soussigné n'a pas un gramme d'alcool dans le sang… Je le lui rendis, bien plié, et lui, ce copain dont j'avais oublié le nom, de m'expliquer par le menu qu'il avait voulu commencer une nouvelle vie, qu'il s'était mis au lait pendant deux jours… Ça le faisait tellement tituber que ce matin, son chef l'avait renvoyé chez lui pour ivresse en lui soustrayant deux jours sur ses vacances. Alors, il s'était rendu au poste pour se faire rendre justice, et les flics, voyant qu'il n'avait pas une goutte d'alccol dans le sang, avaient décroché leur téléphone et engueulé son patron, l'accusant de saper le moral d'un ouvrier. Après cela, il avait bu de joie toute la matinée en l'honneur de ce papier officiel prouvant noir sur blanc son abstinence…

Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude
trad. du tchèque Anne-Marie Ducreux-Palenicek, 
éd. Robert Laffont, coll. Pavillons

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