En replongeant récemment dans la biographie de Romain Gary, j'ai un peu mieux perçu ce qui m'avait attiré chez lui il y a quelques années. Comme il m'arrive souvent lorsque je découvre un auteur et qu'il me séduit, j'ai besoin de tout connaître – ou presque – de lui. C'est maladif, je le sais, mais mon rapport à la littérature prend souvent cette forme, il suffit de l'accepter. Je n'ai lu que lui durant quelques mois, peut-être un an, l'essai de Nancy Huston et la bio de Myriam Anissimov en sus, et même le livre de son fils. Et puis, j'ai arrêté soudain. Trop plein d'un trop grand.
Ce besoin de me plonger dans l'univers d'un autre, il faudrait que j'en parle à mon psy, si j'en avais un. Cette nécessité qu'avait Roman Kacew d'échapper à sa peau («On est toujours piégé dans un je»), à la vie misérable propre à bien des immigrés, ivresse de s'immiscer dans la grande culture française qu'une mère l'avait tant aidé à fantasmer, le refus de la vérité totalitaire, il résonne bien entendu en moi - j'en ai déjà dit un peu ici. Mais pas que. Les nouveaux lecteurs de Gary ne s'expliquent pas seulement par les rééditions régulières de tous ses titres. Il y a, me semble-t-il, un déchirement à le voir prôner optimisme et fraternité, s'emporter contre la bêtise et la vacuité de nos vies modernes, défendre la sensibilité contre la sensiblerie ou le cynisme, l'entendre partir dans un rire éclatant, discourir à la télévision avec le sérieux parfois pathétique d'un inadapté, l'ironie à l'affût, à se demander ce qu'il fout là, qu'est-ce qu'on lui veut encore?
Son désespérant canular qui lui vaudra un deuxième Goncourt que le milieu germanopratin ne lui pardonnera jamais, même s'il est déjà six pieds sous terre lorsqu'il est officiellement révélé, son prétendu attachement indécrottable à de Gaulle, les succès de son vivant, son aversion pour le Nouveau roman et les origines de l'autofiction, en font un écrivain aujourd'hui méconnu, voire méprisé, alors qu'il est certainement l'égal d'un Philip Roth tant vénéré (je n'y échappe pas), si tant est que les écrivains peuvent être soumis à un classement quelconque. J'aime le savoir à portée de main, quelque part dans ma bibliothèque et l'idée qu'il me reste encore quelques titres à découvrir, la plupart également là, me console d'un certain snobisme dédaignant sa figure. (Je suis persuadé, mais j'aimerais sincèrement me tromper, que s'ils n'étaient paralysés par la bienséance, certains de ces dictateurs du bon goût utiliseraient sans vergogne l'étiquette de métèque à propos de Gary comme à la grande époque…)
Son désespérant canular qui lui vaudra un deuxième Goncourt que le milieu germanopratin ne lui pardonnera jamais, même s'il est déjà six pieds sous terre lorsqu'il est officiellement révélé, son prétendu attachement indécrottable à de Gaulle, les succès de son vivant, son aversion pour le Nouveau roman et les origines de l'autofiction, en font un écrivain aujourd'hui méconnu, voire méprisé, alors qu'il est certainement l'égal d'un Philip Roth tant vénéré (je n'y échappe pas), si tant est que les écrivains peuvent être soumis à un classement quelconque. J'aime le savoir à portée de main, quelque part dans ma bibliothèque et l'idée qu'il me reste encore quelques titres à découvrir, la plupart également là, me console d'un certain snobisme dédaignant sa figure. (Je suis persuadé, mais j'aimerais sincèrement me tromper, que s'ils n'étaient paralysés par la bienséance, certains de ces dictateurs du bon goût utiliseraient sans vergogne l'étiquette de métèque à propos de Gary comme à la grande époque…)
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