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Le déjeuner, nous le prenions à la maison, devant la télé, encore en Noir et blanc, et Midi-première de la grande duduche, Danièle Gilbert. Elle avait un autre surnom, il me semble mais j'ai oublié, qui la rendait forcément proche des Français en ces temps de la fin de l'ORTF. On n'avait pas encore "allumé la passion" d'Antenne 2, la Une était unique. Le Président Giscard venait y jouer de l'accordéon et peut-être bien plus, et nous étions là, à bouffer nos raviolis Buitoni, quelque peu effarés, mais pressés par l'horloge que nous consultions avec désolation. Nous repartions au pas de course vers l'école, ma mère à ses ménages dans la grande demeure à quelques pas de chez nous, après avoir vu défiler sur l'écran les Annie Cordy, Mike Brandt, Sheila, France Gall, parfois Serge Gainsbourg, que ma mère détestait, trop crade, trop sulfureux, Eddy Mitchell, Nicole Croisille, Serge Lama, Mireille Mathieu, Claude François, Michel Sardou et cie.
Et puis, un jour, j'en suis sûr, mais je n'en ai pas retrouvé la trace sur la grande toile, vers 12h18, est apparu cela :
C'était quoi ? 1978 ? 1979 ? J'avais 14-15 ans, avec pour seule musique cette variété quotidienne et, dans notre chambre, sur le tocadiscos des parents, le sage album rouge des Beatles. J'étais passé à côté du punk et goûterai peu la new wave des Police, Depeche mode et autres Cure – bien que la belle Deborah Harry fît rêver l'ado boutonneux que j'étais. Madness produisit un choc que mon frère et moi allions tenter de perpétuer en oubliant John, Paul, George et Ringo, plongeant les yeux fermés dans le ska à la sauce anglaise.
Il nous semblait que cette culture de rue – que nous prenions tout au moins comme telle – avait un peu plus de classe (populaire) que la norme de notre banlieue d'avant le hip hop et le rap – je suis persuadé que c'est également chez Danièle Gilbert que, pour la première fois, je vis le Suprême NTM quelques années plus tard.
Ça revient, par fragments. Je me souviens qu'en classe de 3e, un type nommé Zemour, avec un seul m, donc pas Eric, mais Gilles, ne me croyait pas quand je lui confiais aimer comme lui le ska. Je me suis alors mis à porter un grand imper, dans lequel je glisserai facilement, plus tard, les livres volés, des baskets montantes blanches et des cheveux très courts. Les jeans retroussés ou "allant à la pêche" sur des chaussettes blanches, j'ai dû essayer, mais je craignais de ressembler à un Jerry Lewis en technicolor. J'ai le souvenir aussi d'une fête chez des voisins où nous avons débarqué, mon frère et moi, dans ce genre de tenue, prêts à en découdre avec le premier blaireau que nous trouverions sur notre chemin.
Ça revient, par fragments. Je me souviens qu'en classe de 3e, un type nommé Zemour, avec un seul m, donc pas Eric, mais Gilles, ne me croyait pas quand je lui confiais aimer comme lui le ska. Je me suis alors mis à porter un grand imper, dans lequel je glisserai facilement, plus tard, les livres volés, des baskets montantes blanches et des cheveux très courts. Les jeans retroussés ou "allant à la pêche" sur des chaussettes blanches, j'ai dû essayer, mais je craignais de ressembler à un Jerry Lewis en technicolor. J'ai le souvenir aussi d'une fête chez des voisins où nous avons débarqué, mon frère et moi, dans ce genre de tenue, prêts à en découdre avec le premier blaireau que nous trouverions sur notre chemin.
Un matin de décembre 1980, ma mère m'a réveillé en m'annonçant la mort de Lennon. Le lendemain, je partais quelques jours en Alsace avec une bande de voisins, des potes avec qui je jouais au foot, que je découvrirais plus tard être de sacrés allumés et sympathisants du papa à Marine, mais c'est une autre histoire. Ou presque. Une certaine confusion dans les esprits mêlaient lutte des classes musicale et mouvement skinhead. Analphabète politique, mais aspirant anarchiste, surpris par la dissolution des Specials et le tournant varietoche de Madness, excité par l'arrivée des radios libres, je me détachais progressivement de ces musiques, passant par le reggae, un peu le jazz, puis, bizarrement, par le hard pour épater une fille fan d'AC/DC. L'autre histoire, la voilà… La découverte de la chair, de la fac, du quartier latin et de ses salles de cinéma, la frénésie du vol de livres…, m'éloignaient définitivement des courants musicaux des temps présents. Noyant mes déceptions amoureuses dans Fante et Bove, vieux livres côtoyant les vieux films avalés entre deux cours, je devenais aux yeux de mes camarades de fac un étrange et insaisissable intello solitaire et arrogant, à peu près tout ce que je n'étais pas et tenterai de ne jamais être par la suite. Il m'en fallut du temps pour comprendre qu'il s'agissait d'un vain combat et qu'il fallait accepter la ringardise et autres qualités que certains voyaient en moi. La vie n'était pas là.
Vous avez le salut de derrière les fagots d'un autre ringard.
RépondreSupprimerSalut à vous ! Heureusement, nous sommes quelques uns...
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