Tu vois, j'avais du mal à rentrer, deux bières après. Un mois sans alcool, ça ne pardonne pas. Et ce vacarme incessant dans la tête d'Italiens surexcités, hurlant leurs insultes à l'équipe catalane, reprenant en chœur leurs chants de stade fascisants, applaudissant aux agressions physiques des leurs… Je me jurais, quoi que tu en dises, de ne jamais plus remettre les pieds dans ce bar, notre bar que nous n'avions pas reconnu. Aucun bar. Finis les bars. Décidé de ne plus regarder qu'un match par ci, par là, en streaming, seul, quand le Dieu de la toile voudra bien me laisser m'y perdre. La soirée foot n'avait pas effacé les mauvais résultats des analyses. Je m'enfonçais. Vespa me portait encore. Fidèle.
Soudain, elles furent là, au feu rouge interminable. Jeunes, seules. Mes yeux de myope, indétachables, m'interdisaient d'entrer dans les détails. Je les regardais s'embrasser, tituber sur place comme je l'aurais fait avec un couple hétéro, un ado en skate, un chien reniflant le cul d'un compère ou un type glissant sur une peau de banane. Je regardais leur félicité. Pas sexy, non, pas bandante. Intrigante. Etait-ce l'alcool qui les faisait s'agripper l'une à l'autre, valdinguer de gestes vagues et précipités, se rattraper, remettre une galoche, se séparer, recoller, enlacer, se défaire, regarder en arrière, revenir sur leurs pas, ou juste leur amour ébouriffant, les dépassant ? Le vert a fini par venir, j'ai laissé Vespa repartir, me guider vers la petite maison du bonheur.
Le chien qui grogne lorsque j'allume, je me verse un verre d'eau et monte dans la chambre. Elle était là, ma carte postale des beaux jours, lisant au lit, luttant contre la fatigue pour m'attendre. Presque. Tu vois, le temps de la douche, elle dormait déjà. J'ai réchauffé une main sous mes fesses propres et talquées de frais comme un bébé, c'est comme ça qu'elle les aime, de l'autre je tenais mon livre barbant dont je t'avais parlé au café, une fois la main réchauffée, j'ai quitté mes fesses pour les siennes que j'ai caressées folle et lentement, lu trois lignes et senti mes yeux implorer ma grâce. Tu comprends pourquoi je ne sors plus. Pour vivre ça le plus longtemps possible, tant que durent les prolongations.
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