Tu vois, j'étais là, je demandais rien, je voulais juste boire un coup tranquille, sans me prendre la tête, je m'étais bien fait chier au boulot toute la journée, je voulais être peinard, c'est elle qui m'a abordé, je l'ai vue arriver, me flairer, je ne sais pas ce que j'ai, mais je les attire, elle me demande si ça me dérange pas si elle se met là, je dis non, et elle commence à me raconter sa vie, j'en avais rien à faire, moi, de sa vie, à la rigueur, elle était pas mal, si elle avait besoin d'affection, ou plus, je dis pas non, comme ça quoi, deux solitaires qui s'apportent un peu de réconfort, mais là non, elle me raconte sa vie, en long en large à l'endroit et à l'envers, je ne sais plus tous les détails, c'était assez confus, elle, et les bières, ça aide pas, elle avait envie de parler, elle ne supportait pas de rester seule à la maison, les jours où elle était sans ses gosses, c'était les vacances, ses copines étaient toutes parties, elle avait une haine insurmontable contre son ex, le divorce s'éternisait et pour le moment, ils avaient les gamins chacun son tour, une semaine sur deux ou un truc comme ça, je sais plus, et ça la rendait malade, je lui dis que ça lui permet de sortir, de faire des rencontres, elle me dit qu'elle n'a rien à foutre des rencontres que les hommes c'est tous les mêmes : des bites, ce qui l'importe, c'est ses gosses, elle ne vit plus que pour eux, je lui dis de faire gaffe, un jour ça grandit et ça part, elle s'arrête, elle me regarde avec un air méprisant, je sens monter la colère, j'ai cru qu'elle allait me filer une baffe, mais elle repart, le père des mômes, apparemment un con, s'était barré avec une fille plus jeune, classique, et l'avait présentée à ses enfants à peine installé avec elle, les gamins se sont mis à la détester immédiatement, à tomber malades quand il fallait aller chez le père, des crises de tétanie, et d'autres trucs violents, elle voulait en parler au juge, à son avocate, ils étaient tous en vacances, elle non, elle avait pas les ronds, elle avait plus le goût à rien de toute façon, je lui ai proposé de reprendre un verre, c'est pour moi, elle a pas dit non, elle a continué ses histoires, j'aurais aimé qu'elle s'intéresse un peu plus à moi, je sentais qu'elle commençait à me plaire, enfin, je bandais même pas, mais j'avais un élan comme ça, l'envie de la protéger, de lui donner de l'amour, mais bon évidemment, je serais passé pour une bite, je l'ai laissée poursuivre, le fric, la garde, la belle-mère, ses parents à elle qui habitaient dans je ne sais quelle région, elle se sentait très seule contre tous, elle arrivait pas à retrouver du travail, passait des entretiens, mais donnait pas envie aux DRH, trop de tristesse dans son regard, de laisser-aller dans ses tenues, elle prenait pas assez soin d'elle, avait l'air crevée en permanence, des poches comme ça sous les yeux, non, ça marchait pas, les gens voulaient des battants, des employés qui se donnent corps et âme à leur job, corvéables et qui en redemandent, là, c'était pas vraiment son cas, la pauvre cocotte, elle était dans la vente avant, quand elle était mariée, maintenant, c'est elle qui devait se vendre et elle y arrivait pas, elle m'a demandé, un moment, si elle ne me soûlait pas trop, j'ai dit non, pas trop, ça l'a fait rire, elle a repris sa litanie, et soudain, elle a regardé l'heure et m'a dit qu'elle devait aller se coucher, qu'elle récupérait les enfants le lendemain tôt et elle devait être en forme, elle m'a dit à la prochaine, a titubé jusqu'à la porte, j'ai failli lui proposer de la raccompagner, mais tu sais, la bite, tout ça, je me suis retenu… T'es marrant, toi, t'aurais fait quoi à ma place ?
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