mercredi 27 septembre 2017

Peur de rien



- A quand remonte le dernier film français que nous avons vu au cinéma ?
- Je ne sais plus. J'ai l'impression que c'était dans une autre vie...
- T'as envie, toi, de voir tous ces trucs improbables qu'on nous propose ?
- Le dernier film de Claire Denis, ça m'intéressait...
- C'est une blague ?
- J'aime bien Binoche.
- Ah bon ?
- Elle a un parcours incroyable... Quand elle a débarqué, dans le Téchiné, on n'aurait pas misé grand-chose sur cette petite nana un peu boulotte... Mais toi aussi, tu l'aimes, non ?
- Bof…
- Tu ne t'es pas retrouvé un jour à une master-class de Binoche à la cinémathèque ?
- Ah oui, exact. Mais c'était pour accompagner Pilar, qui l'admire. C'était plutôt emmerdant, dans mon souvenir. Avec Toubiana en maître de cirage.
- Quoi ?
- De cérémonie, je voulais dire. Ma langue a fourché... Ce type est quand même impayable...
- Dans quel sens ?
- Pas dans celui d'être payé, il l'a très bien été j'imagine quand il dirigeait la cinémathèque. Il a réussi à en faire un lieu de paillettes, de chic parisien, de snobisme...
- Le lieu est assez affreux...
- Affreux et froid. Toubiana y était à sa place...
- Tu es méchant.
- Pas autant que lui. Quelle plaie. C'est perdre du temps que de parler de ces gens. Il faudrait faire comme s'ils n'existaient pas...
- Mais on les retrouve partout, dans toutes les commissions...
- C'est vrai qu'il a également présidé l'Avance sur recettes... Etonnant qu'il n'en ait pas profité pour faire un film.
- Tu te trompes, je pense qu'il a réalisé quelques documentaires. Du temps qu'il s'occupait du fond Chaplin pour MK2.
- Ah oui, c'est vrai qu'il a fait ça aussi. Pauvre Chaplin...
- Je me demande s'il n'a pas également géré la collection Truffaut, toujours chez MK2.
- Il en a profité pour sortir une bio de Truffaut, d'ailleurs. Que n'a-t-il pas fait, ce bon vieux Serge ? Ça irait plus vite d'établir la liste de ce qu'il n'a pas fait... Cannes, je ne vois que ça...
- Cannes ?
- Oui, il a postulé une fois ou deux pour diriger le festival. On aurait eu Assayas, Desplechin, Dumont, et cie tous les ans...
- C'est déjà le cas, non ?
- C'est vrai... Putain, comment veux-tu qu'on aille voir du cinéma français, avec toute cette clique ? T'étais sérieuse quand tu parlais du film de Claire Denis ?
- Oui, il y a un casting intéressant mais j'ai vu la bande-annonce et je crois que je vais m'en passer. C'est écrit par Angot...
- Oh, putain !, il ne manquait plus qu'elle se mette au scénario, celle-là...
- Dans Libé, elle dit ne pas être intéressée par l'écriture de films.
- Très bien, ça ! Libé ? Tu lis ce torchon, toi ?
- Je me tiens au courant de ce qui se fait.
- Parfois, il vaudrait mieux pas…
- J'avais envie de voir ce film, alors j'ai fait des recherches et suis tombée sur cet entretien.
- Angot, Denis, Binoche : « On est allées toutes les trois dans le même sens, sans en avoir jamais parlé » Quel sens ? De la mauvaise blague ? Du non-cinéma ? Non, mais regarde-moi cette pose, cet air entendu. C'est nous que v'là. Le trio infernal.
- C'est, paraît-il, un hommage à la comédie romantique.
- Oui, j'imagine que comparé au chef-d'œuvre qu'elles nous ont pondu, un film de Lubitsch, ça ressemble à du Max Pecas... Tu as lu ? La journaliste est en extase devant le trio et le fait que Binoche l'ait reçue dans sa cuisine... Quelle tarte...
- C'est une adaptation de Barthes.
- Comment ?!
- Fragments du discours amoureux...
- Barthes, cette tête de veau ? On aura tout vu...
- Mais il est dit qu'elles se sont éloignées du bouquin.
- Et du cinéma aussi, apparemment.
- Binoche dit qu'elle n'avait pas compris le scénario quand elle l'a lu. Qu'elle a pensé que ça aurait pu être plus drôle et qu'elle a été surprise d'entendre des rires dans la salle.
- Le film est peut-être risible...
- Non, Claire Denis affirme que ce ne sont pas des rires moqueurs mais des rires accompagnateurs.
- Ce besoin de préciser est étonnant. Elle dit vraiment ça : des rires accompagnateurs ? C'est comme des rires enregistrés genre Benny Hill ou elle parle d'accompagnateurs comme il y a des accompagnateurs pour personnes malades ou aveugles... Ecoute ces propos de Binoche : Très tôt le matin, tu venais dans la loge maquillage, tu as pu me dire : « J’ai envie de filmer de la crème fraîche. » C’était une indication, une humeur de départ. Tu me disais : « Moi, j’aime bien parler comme ça me vient sans préméditation » – et j’ai aimé ta manière de faire, qui permet de faire surgir l’inconscient et d’être plus proche de toi.
- Plus loin, elle précise que le film n'a jamais été prémédité, posé.
- Encore une précision bien utile... Et la conclusion de l'entretien revient à la copine de Libé, la virulente éditorialiste qui fait la gugusse maintenant chez Ruquier – tu vas voir qu'elle va faire passer Zemmour pour un mec bien – : Des bottes, telle veste en cuir, le maquillage : ça ne me parlait absolument pas. Mais quand je vois le film, je comprends que c’est la vie qui entre, par ces détails. Fabuleux ! La vie qui entre… et le cinéma qui sort. Ces gens-là ne réalisent pas à quel point leurs propos sont creux, leur point de vue sur la vie qui entre, leur cinéma clinquant ressemble de plus en plus à une pub pour des assurances... Tiens, je m'en souviens maintenant, tu sais quand j'ai arrêté d'aller voir les films de Claire Denis ? Quand elle a fait un truc ridicule, adapté justement d'un roman de la femme de Toubiana.
- N'en dis pas de mal. Elle est morte il y a peu.
- C'est bien triste. Qu'elle repose en paix, comme on dit sur les réseaux sociaux. Mais c'est un monde qui n'a rien à voir avec le cinéma. Rien que des bourgeois qui se regardent et se filment vivre, pleurent sur leur sort à coups de cachets qui se chiffrent en millions et que leur  filent d'autres bourgeois aux mêmes préoccupations. Cet obscène entre-soi, très peu pour moi.
- C'est certainement d'un autre niveau que ça :



- Tu es méchante ! Qu'est-ce que je t'ai fait ?!
- Ou ça :




- Oh, non de dieu ! Qu'est-ce que c'est que ce truc là ? Pauvre Harvey Keitel !
- C'est réalisé par Amanda Sthers…
- Ça me dit quelque chose, c'est qui ?
- On avait vu un film d'elle en projection de presse, il y a des années…
- C'était quoi ?
- Ça s'appelait Je vais te manquer.
- Un aveu… Je me souviens d'avoir beaucoup souffert à cette projection… C'est pas une ex de je ne sais qui ?
- Patrick Bruel. En passant devant le kiosque de journaux, l'autre jour, j'ai vu qu'elle en a marre qu'on la considère toujours comme l'ex de Bruel.
- Ce qui est sûr, c'est qu'on ne la considèrera jamais comme une cinéaste…
- Elle écrit aussi.
- Oh, putain !
- Comme Toubiana.
- C'est-à-dire ?
- En prenant sa retraite, il a déclaré qu'il allait se consacrer à l'écriture…
- En espérant qu'elle le consacre ? Ces gens n'ont peur de rien.

3 commentaires:

  1. Vous êtes forme, cher Inconsolable, cela fait plaisir ! Remarquez, il faut l'être quand on subit un tel bombardement...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bien étrillé cher Grand Consolateur ! Tous ces gens de La Rentrée sont à torgnoler sur place. Quand je dis La Rentrée avec majuscules, pour moi c'est une entité démoniaque qui nous sollicite sans relâche et nous use.
      Bien tapé sur cette association de femmes "créatrices" qui ne veulent donc nuire à personne (hélas). La dictature du sympa en marche servie sur un plateau d'argent, un produit minutieusement élaboré avec adjonctions et conservateurs. Y'a peut-être même un peu d'huile de palme mais elles l'ignorent copieusement. Il faut ce qu'il faut, c'est un produit qui doit se vendre quoi qu'il en soit. Nutella, quoi !
      Pour La Mélodie, il est consternant de constater une fois de plus qu'on prend éternellement des films qui avaient "bien fonctionné" box office (Les Choristes, nom d'une pipe !!!! L'esquive, Entre les murs, notamment), qu'on remet tout ça dans le shaker et c'est ainsi que des pauv'mômes issus de l'immigration qui connaît rien à rien se retrouvent à découvrir la grande musique et faire grincer leur violon sur le toit de leur immeuble... Personne n'a pensé à pisser dedans, sérieux ?! On n'en peut plus des réussites pédagogiques... Encore ce film là dont le nom m'échappe avec Ariane Ascaride en prof "devoir de mémoire" : au secours.

      "Madame"... que dire...hum, je vais finir par aimer Pretty Woman, n'en jetez plus, je n'ai pas envie d'en arriver là... Ce n'est pas imaginable de (re)faire le coup de la "moche pas lisse" qui a un coup de foudre qui pète plus haut que son cul et sa petite condition de bonniche.
      Ah quelle tristesse, merci à vous de la brocarder. Ca nous permet d'aller plus facilement vers des tristesses belles... Alors mille fois merci et allons y gaiement. Amitiés S

      Supprimer
  2. Un bon point pour toi.
    Une réserve. Pas vu grand-chose de Juliette Binoche mais il y a un long plan séquence avec elle au volant d'une voiture (dans "Copie Conforme" de Kiarostami)où elle est plutôt bien.

    RépondreSupprimer