samedi 16 septembre 2017

Désinscriptions quotidiennes



Ma vie n'a aucun sens. Pas même unique.

J'abhorre entrer dans une boutique de vêtements. On y trouve généralement une musique abrutissante et des vendeurs en harmonie. Et puis, rien ne me va. Trop grand, trop petit, trop large. Je suis toujours entre deux tailles, pas fait pour le prêt-à-porter. Mais le sur mesure, je n'y aurai droit que pour ma caisse de bois. Et encore, je finirai certainement dans une fosse commune. On évitera ainsi de s'abrutir par la musique.

Mon type de femme : celle qui l'ignore.

On a souvent pris pour de la timidité mon désir de passer inaperçu, de ne pas lier conversation, mon aversion des préoccupations des autres, mon sens du ridicule, le personnage façonné au fil du temps pour satisfaire ma nature, facilement repérable.

Sept fois à terre, huit fois debout, certes, mais que se passe-t-il la fois suivante ?

Je ferme ce livre en cours de lecture avec un pressentiment, celui de ne jamais plus l'ouvrir.

Au très restreint rayon théâtre de cette librairie chic, Thomas Bernhard était rangé entre Christine Angot et Paul Claudel. J'ai mis le feu et me suis tiré avec le sentiment du devoir accompli.

En 1972, le roi du Bhoutan a instauré le BNB, le Bonheur national brut. Depuis, au sein de cette monarchie constitutionnelle bouddhiste, l'indicateur du bien-être est un indice économique aussi important que le PIB. En 2011, l'ONU a confié à des chercheurs américains une étude permettant un classement des pays selon leur niveau de bonheur. Le dernier rapport place la Norvège en tête, suivie du Danemark. Les pays d'Afrique subsaharienne figurent au bas d'une liste de 156 états dans laquelle le Bhoutan n'apparaît pas. Belle victoire de nos démocraties occidentales.

A vendre velléité de bonté. Assez vague. Très bon état (peu servie). 

J'espère encore, une dernière fois, être abandonné. Du contraire, je ne suis pas certain de me remettre.

Cette perception de sécheresse de l'esprit, d'un entrain au ralenti, par à-coups et excitation artificielle, l'âpreté des mots que je parviens à peine à formuler et qu'il me faut aussitôt corriger, augurant probablement une maladie dégénérative n'est pas sans me ravir. Ainsi tout cela marchait à la perfection jusqu'ici…

Plus nous cherchons à comprendre, plus il est évident que nous devrions renoncer à l'idée de vérité. Et pourtant.

Mon type de femme : celle qui m'attend, le dos tourné, allongée sur le sofa.
Mes collègues de travail me reprochent de n'être pas très causant. Je crois qu'ils voudraient de plus que je les aime. Le mal est profond.
Un escargot a élu domicile au plafond de ma cuisine. Sous lui, j'ai haché l'ail, les échalotes, le persil, préparé sel et poivre, préchauffé le four. J'espère bien le voir tomber d'ici Noël.

J'ai beaucoup dormi à l'école, et au travail, cinéma, concert, théâtre, aux réunions politiques, et devant certaines femmes... J'ai aujourd'hui épuisé mon quota d'heures de sommeil et accueille avec soulagement la crucifixion de mes longues insomnies.

Mon type de femme : celle qui chante sous ma bouche.

Faites du bruit, le plus possible. Il n'est plus question de penser, et encore moins de se parler.

Pas la peine de me raccompagner, j'ai trop bu et je ne connais pas le chemin.


Charles Brun, Vous pouvez envoyer le bonheur, volume 3






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