lundi 8 mai 2017

Soirée entre amis





- Je suis soulagée.
- Oh oui, moi aussi.
- C'est un grand jour.
- Vous croyiez vraiment qu'elle pouvait passer ?
- Pas toi ?
- Non.
- Moi non plus. Pas une seconde je n'y ai cru.
- Le matraquage autour de ce petit bonhomme était tel  depuis un an…
- Un an ?
- Dès qu'il est apparu sur la scène publique, on nous l'a vendu comme le futur de la France. Avec le même entrain que le dernier smartphone ou paquet de lessive.
- Tu exagères.
- A peine…
- Bon, taisez-vous : il va parler.
- Silence, le maître parle.
- Ah, que je suis contente.
- C'est un robot.
- Il lit un prompteur.
- Tu crois ?
- Regarde ses yeux.
- Je ressens la même émotion que devant mon banquier.
- C'est pas facile ce qu'il fait.
- Un pantin. C'est on ne peut plus clair.
- Mais vous allez vous taire ?
- Il faut que tu comprennes une chose. La France a un problème avec le centre depuis Giscard. Et lui, il a réussi à lui donner une place.
- Le ni droite ni gauche, tu l'interprètes comme ça ?
- Bien sûr. Pas toi ?
- J'apparente ça au fascisme. D'autant que le type va imposer ses lois par ordonnances.
- On verra. On contestera.
- La contestation a commencé depuis longtemps. Jamais un président n'a été aussi mal élu. Et pourtant, il avait tous les médias derrière lui. Et si ça ne suffisait pas, pour que ça passe encore mieux, on a ressorti le danger FN et le sursaut républicain.
- 65% de l'électorat, c'est pas mal quand même.
- Si tu tiens compte du taux d'absention et des bulletins blancs, on est loin des 65% de l'électorat.
- Il faut que tu comprennes une chose : l'Allemagne a depuis 30 ans fait des réformes que la France a refusé de faire.
- Démanteler le marché du travail ?
- Tu exagères.
- Tu sais comment sont obtenus les bons chiffres du chômage en Allemagne ?
- Je n'y connais rien.
- Une politique de bas salaires, la réduction des dépenses publiques… Résultat, nombre d'Allemands se voient obligés de cumuler deux boulots mal payés pour s'en sortir.
- En tous cas, ici, on a 3 millions de chômeurs.
- Faux. Si tu additionnes toutes les catégories, on atteint plus de six millions et demi de personnes. A cela, tu peux ajouter les personnes radiées, les gens au RSA, ceux qui n'y ont pas droit parce qu'ils touchent par exemple une pension alimentaire, ceux qui n'ont aucun droit, les retraités à la recherche d'un boulot, les auto-entrepreneurs, les sans-domicile fixe – qui ont augmenté de 50% en dix ans –, et tu arrives facilement à 10 millions de personnes en grande difficulté.
- Tu les as eu où, ces chiffres ?
- Ici. Et je t'invite à te plonger dans le rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre.
- Tu crois qu'il y a un lien entre les 10 millions dont tu parles et les 11 millions qui ont voté FN ?
- C'est un raccourci un peu facile, non ?
- 11 millions quand même...
- Ce ne sont pas 11 millions de fascistes.
- On est en France, pays où existe une tradition fasciste. La preuve avec ce pantin…
- Pourquoi tu ne quittes pas ce pays ?
- Je vois que la soumission à l'ordre nouveau est En Marche…
- Moi, j'ai voté contre le FN !
- Et pour la dictature de la finance.
- Ce ne sera pas ça.
- Moi, j'y crois. 
- C'est la méthode Coué ?
- Tu vois, tu critiques tout dans ce pays. Pourquoi tu y restes ?
- C'est le mien. J'y suis né. Comme toi. Mais c'est vrai que j'y songe. Et cette soirée, mes amis, me conforte dans cette idée. Portez-vous bien.




1 commentaire:

  1. Un robot, dites-vous ?
    Mieux que ça : un répliquant tout droit sorti de Blade Runner. Et encore, le dénommé Roy Batty était au moins accessible à l'émotion.
    Jules

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