Je suis frappé par ce que dit Retz de La Rochefoucauld : « Il a toujours eu une irrésolution habituelle ; mais je ne sais même pas à quoi attribuer cette irrésolution… Nous voyons les effets de cette irrésolution, quoi que nous ne connaissions pas la cause. Il n'a jamais été guerrier, quoi qu'il fût très soldat. Il n'a jamais été, par lui-même, bon courtisan, bien qu'il ait toujours eu bonne intention de l'être. Il n'a jamais été bon homme de parti, bien que toute sa vie, il y ait été engagé. Cet air de honte et de timidité, que vous lui voyez dans la vie… »
Irrésolution, comment n'y verrais-je pas le trait essentiel de mon caractère ? Je ne puis me résoudre à rien. Je balance jusqu'au vertige, je ne puis jamais être d'une opinion ou d'un lieu, être d'un bord ou de quelque part. De moi aussi, on pourrait dire à propos de tout ce que j'ai fait ou plutôt eu l'intention de faire : « Il n'a jamais été cela, quoiqu'il… »
Je suis le contraire de l'homme entier, j'entends que je n'adhère à quelque chose que partiellement. Je suis l'homme des arrière-pensées, je n'avance que pour me reprendre aussitôt, je ne m'identifie avec rien, sinon avec le rythme de mes prétendues convictions, j'épouse à fond mes incertitudes.
Mon scepticisme est viscéral avant d'être intellectuel. Il est le produit de ma plus intime chimie, il est le porte-parole de mes organes.
La cause de l'irrésolution dont souffrait La Rochefoucauld, c'est dans sa mélancolie qu'il faut la chercher. Car la mélancolie mine tous ses actes ; on ne peut en commencer aucun qu'elle ne l'ait sapé déjà. Elle est inadhésion au monde ; par là même elle invite à hésiter avant d'entreprendre quoi que ce soit à l'intérieur de ce même monde.
Je suis si réfractaire aux actes que pour me décider à en exécuter un, il me faut auparavant lire une Vie quelconque de Napoléon…
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