vendredi 8 janvier 2016

Encore lui...



Je suis passé une nuit devant chez lui, à Montréal. Je venais d'arriver au Canada et étais anéanti par la trentaine de degrés négatifs. M'avait pris en charge un type qui travaillait dans l'encadrement du festival, un critique de cinéma, je crois. Je n'avais aucune envie de sortir de ma chambre d'hôtel froide par sa décoration lugubre mais chaude par son chauffage par le sol et ses couvertures à l'électricité statique agaçante. Mais le type en question, dont j'ai oublié le prénom, avait eu pitié de moi, m'avait filé son bandeau polaire cache-oreilles bleu et je m'étais laissé entraîner dans un bar certainement branché. Le trajet fut laborieux. La voiture s'étant embourbée dans la neige, il fallut faire une partie du chemin à pied. Je ne sais plus ce que l'on a bu, ni ce dont on a parlé. En quittant l'estaminet à pas d'heure, le type en question a proposé de me ramener à l'hôtel à pied. J'ai suggéré un taxi, mais il a insisté. Il avait notamment en tête de passer devant la maison. Je commençais, malgré mon état, à voir en lui d'autres intentions me concernant et n'ai pas trop prêté attention à la barraque qu'il me montrait comme un cadeau-surprise. Je me demande encore ce qui, en moi, avait pu lui laisser penser que le poète canadien me fascinait. Je regrette ma timidité maladive de l'époque - comme si j'en étais guéri - et ne pas avoir osé braver le froid, trouvé une bonne bouteille dans un dépanneur, oublié les avances du type en question, ma peur de mourir là dans la neige comme un Walser sans oeuvre et ne pas avoir frappé à la porte de Leonard Cohen.
C'est peut-être une obsession espagnole. La culture de ce peuple bigarré, où gitans, juifs et musulmans furent brassés avec bonheur - il y a longtemps -, a tant compté pour le poète canadien que certains cantaores, ceux des plus attachés au flamenco et qui lui ont donné un nouveau souffle, l'ont accueilli dans leur répertoire. Après Enrique Morente, ce fut au tour du gitan Duquende - qui a débuté à 8 ans, avec Camaron l'accompagnant à la guitare, rien que ça ! - de mettre en castillan du Cohen purement métissé.



La gitane en question n'était autre que l'épouse du poète dont il se séparait douloureusement. Il s'en explique, brièvement, ici. Et nous balance un de ses poèmes au passage. Sublime document.



C'est une chanson qu'il reprend encore, comme bien d'autres. Et toujours avec autant de grâce. Et pour nous, autant de bonheur. 


Le lendemain de cette errance nocturne pathétique, j'achetais un passe-montagne dans une boutique en forme de refuge et rendais son bandeau au type en question. J'étais ainsi paré pour faire la connaissance d'un ancien du FLQ, un de ceux de la cellule Chénier. Mais c'est une autre histoire. 

2 commentaires:

  1. Merci pour ton billet.
    En échos : Léonard Cohen The Best.
    bit.ly/1oZEUug
    bit.ly/JuhFvL

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  2. Merci pour les billets et la vidéo du Futur, on ne peut plus d'actualité... A bientôt camarade !

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