vendredi 10 avril 2020

A vos masques !


Tandis que le gang d'amateurs et de bras cassés au pouvoir tergiverse toujours à propos du port des masques - qui ne servent à rien, puisqu'on n'en a pas -, un ami m'envoie une lettre ouverte au sinistre de l'Intérieur, signée du Docteur Pierre Jacques Raybaud. Je la copie-colle sans en corriger les coquilles et sans dérogation. Il est 15 h 30. Vous avez une heure pour la lire.


LETTRE OUVERTE À MONSIEUR CASTANER, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR


Vendredi 10 avril 2020

Monsieur le Ministre,

Hier matin, à propos des arrêtés municipaux pris à Sceaux, puis à Royan, visant à rendre obligatoire le port d'un masque, y compris alternatif, vous avez demandé aux préfets de prendre langue avec les maires pour qu'ils retirent leur décision, devant un auditoire à distance d'une mission d'information de l'Assemblée nationale. D'autres villes comme Nice, Cannes, Paris et bien d'autres s'apprêtent à en faire autant.
Par ailleurs, la Ligue des droits de l'Homme a saisi le tribunal administratif et obtenu hier matin le retrait de la décision du maire de Sceaux.

Vos justifications sont les suivantes :
- Une base juridique incertaine
- Une atteinte aux libertés fondamentales
- La crainte du non-respect du confinement et du manque de cohérence
- Le risque d'inégalité territoriale
- L'intérêt du port du masque pas démontré médicalement.

À mon avis, votre décision est dangereuse, paradoxale et inappropriée. L'intérêt du port du masque lors d'une épidémie est largement démontré sur le plan médical, comme aussi, depuis longtemps, pour prévenir entre autres les infections nosocomiales en milieu médical.
Voici un extrait d'un article, le plus récent et le plus démonstratif, et le résultat de cette équipe de l'Université de Hong Kong publié dans Nature Medicine le 3 avril 2020 :







Ce tableau est extraordinairement parlant : les personnes sans masque chirurgical ont entre 100 et 10 000 fois plus de particules virales, surtout dans le nez et la gorge. Les personnes avec masque, elles, n'ont presque rien.
Hong Kong n'est pas confinée et se caractérise par une très forte densité humaine. Mais près de 95% de la population porte un simple masque chirurgical et certains artisanaux. Or le constat épidémiologique est le suivant à ce jour, alors que l'épidémie y a commencé bien plus tôt qu'en France :
7,5 millions d'habitants, 960 cas, 4 décès

Il en va de même que les pays suivants :




Et pour finir, selon les sources de la Johns Hopkins University (USA) :




Faut-il vous donner tous ces détails ? Pour le ministre que vous êtes, l'essentiel, c'est que - contrairement à vos propos - l'Académie de médecine vient de recommander que la France oblige ses citoyens à porter des masques, y compris, en cas de pénurie, des masques alternatifs. Elle a aussi recommandé d'édicter des conseils de fabrications artisanales à la population.
À propos du "Mieux vaut une barrière partielle que rien du tout", voici un autre article du Dr Rengasamy, chercheur américain, qui confirme les différents niveaux de filtration des matériaux utilisés pour des masques artisanaux de 10% à 60%, et de captation partielle. D'où l'importance des conseils de fabrication à la population recommander par l'Académie de Médecine.



Le Pr Okuda de Kanagawa a montré avec un compteur de particules que 6 couches de papier absorbant fin, filtraient aussi bien qu'un masque FFP2 ! 100% de filtration des particules de 1à 5 microns et 92% de celles de 0,5 micron.


Monsieur le Ministre, vous ne pouvez plus jamais dire, vous, pas plus que le ministre de la Santé, le Premier ministre et pas non plus le Président de la République, que l'intérêt du port du masque obligatoire n'est pas démontré.
Il s'agit d'une réalité scientifique, qui s'inscrit dans un mouvement mondial.
Il ne m'appartient évidemment pas de soumettre un avis juridique sur le caractère infondé d'un arrêté. Je n'en ai d'ailleurs pas la compétence. Mais, si le tribunal administratif a jugé qu'il y avait atteinte aux libertés fondamentales, il me parait inconcevable, qu'à ce titre, une personne décidant de ne pas mettre un masque fasse encourir un risque immense à d'autres personnes, dans ce contexte exceptionnel caractérisé par le grand nombre de cas de porteurs sains.
Qui porte atteinte à la liberté ? Le maire qui exige le port du masque ou les personnes ne portant pas de masques et qui peuvent en contaminer d'autres ? Elles ont, certes, la liberté de devenir malade, mais pas celle de transmettre la maladie. Mais il est vrai que vous n'êtes pas seul responsable des différents messages qui se sont succédés et du manque d'anticipation des autorités.
Je note, Monsieur le Ministre, que vous ne portez pas de masque, et que l'on peut voir alternativement d'autres membres du gouvernement le porter à certains moments et ne pas le porter à d'autres, y compris le Président et ses conseillers et gardes du corps. Là est l'incohérence. Quel message envoyez-vous ainsi à la population ? Et il en va de même à la télévision, qu'il s'agisse des journalistes ou des intervenants.
Permettez-moi d'attirer votre attention sur le risque que vous prenez pour vous-même, pour votre famille et pour vos collaborateurs ? Comment se fait-il que les forces de police encourent les mêmes risques ? Vous devez en principe les protéger, au même titre que l'ensemble de la population. Mais, selon certaines sources, il a été demandé aux policiers de ne pas porter de masques. Et d'ailleurs le nombre de contaminés dans la Police a augmenté fortement. L'exemple de nombreux députés touchés ou décédés, de dirigeants malades un peu partout dans le monde - dont celui de Boris Johnson, dont j'espère qu'il guérira, en Angleterre - ne vous interpelle-t-il pas ?
Ce message s'adresse aussi à la Ligue des droits de l'Homme (LDH), que j'ai pour ma part souvent soutenue, mais dont je ne comprends pas la démarche dans cette situation gravissime. Pourquoi, la LDH n'a-t-elle pas porté plainte contre le confinement, obligation bien plus contraignante que celle de porter un masque ?
J'ose espérer que, demain, aucun d'entre vous ou de vos proches ne sera touché. J'ose espérer qu'il ne s'agit pas d'une forme d'irresponsabilité, mais plutôt d'une méconnaissance de la gravité de la situation que nous, les professionnels de santé, touchons du doigt tous les jours avec le lot de souffrances observées et vécues. Le système de santé s'est dégradé mais vous n'en êtes pas responsable, à titre personnel.
J'en reviens à mon point de départ. Monsieur le Ministre, si un maire ne peut prendre un tel arrêté, alors prenez, vous, la responsabilité, avec le Premier ministre et le Président de la République, de prendre une ordonnance imposant à toutes et à tous le port du masque, pour seulement 3 semaines.
Ce caractère obligatoire est une nécessité, par la mise en jeu de la vie d'autrui, au même titre que l'obligation d'interdiction des excès de vitesse ou la prohibition du port d'arme.
Il s'agit d'un principe de précaution évident, qui résoudra le principe d'inégalité territoriale, dernier point de vos justifications.
Il en va dans l'immédiat de la vie de milliers, voire de dizaines de milliers de Français. Il en va de la survie de notre économie, de l'état psychologique de la population et de certains effets collatéraux dramatiques, comme ceux des violences conjugales accrues.
Car le port du masque constituera une condition sine qua non, demain, du déconfinement, avec le test de toute la population. Ce dernier permettra d'isoler et de confiner les personnes malades. Et le port du masque permettra aux personnes saines d'aller travailler ou étudier.
Raison de plus pour imposer dès maintenant, sans plus perdre de temps, ce geste barrière pour tous, tout le temps et partout. En moins de trois semaines, si cette mesure est appliquée radicalement, vous hâterez l'heure de la libération de nos concitoyens, mais sans risques.
Monsieur le Ministre et vous aussi, les responsables de la Ligue des droits de l'Homme, ne nous trompons pas d'ennemi ! Notre rôle commun - que nous soyons soignants, politiques, journalistes, militaires, policiers, juristes et tout l'ensemble des professions, associations et administrations, commerces, entreprises - est finalement le même, même si notre rôle est spécifique : c'est de servir et protéger la population. Le Président a dit que nous étions en guerre, le masque est notre arme de défense.
Nous avons un seul agresseur commun : le Covid-19. Il ne nous attend pas pour frapper.
Nous devons ensemble rester unis et riposter avec détermination.
Je vous prie, Monsieur le Ministre, de bien vouloir agréer tout mon respect et toute ma sincère sollicitude.


Dr Pierre-Jacques Rayba



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