L'ennemi intérieur

Le metteur en scène au travail

Dans la production quotidienne de nouvelles, un événement chasse l'autre avec une célérité étourdissante. Au lendemain de l'odieux assassinat d'une partie de l'équipe de Charlie Hebdo, nous étions tous officiellement sommés d'adhérer à l'émotion et parader au nom de la liberté d'expression. On s'en souvient peut-être, dans un lycée de Poitiers, un prof de philo anonyme organisa un débat autour de ces événements et fut accusé par un élève et ses parents de faire l'apologie du terrorisme. Suspendu quatre mois par le rectorat, après huit heures de garde à vue, Jean-François Chazerans disparaissait presque aussitôt de l'actualité et de la fabrication quotidienne de storytelling.

Blanchi par une enquête pénale, son dossier étant classé sans suites, le dangeureux agitateur fut pourtant, loin des projecteurs, muté fin mars dans un établissement de Thouars (Deux-Sèvres) pour un remplacement, le recteur estimant que « les agissements de ce professeur ont porté atteinte non seulement à l'image de la fonction enseignante mais à celle du service public de l'Éducation nationale. »  
C'est que notre belle démocratie a, comme on le sait, des ennemis extérieurs mais aussi intérieurs, selon Manuel Valls qui, en tant que chef d'escadron, ne veut voir dépasser aucune tête. La semaine dernière, à la veille de nous faire avaler la fameuse loi sur le renseignement, Valls affirmait que cinq projets d'attentat furent déjoués en France depuis janvier. L'information fut considérablement relayée par les grands médias qui n'accordèrent guère d'importance par la suite au pourtant rapide démenti du ministère de l'intérieur... Ennemi intérieur, disent-ils.