vendredi 17 avril 2015

La question ne se pose plus

Pierre Lamalattie, pamplemouse.com et mandarine.fr


c'est moi, tu as essayé d'appeler, oui, des fois au travail, je ne peux pas répondre, oui, ben, voyons voyons, attends, comment on peut faire, pourquoi ne vas-tu pas à la médiathèque et je t'y récupère quand je sors, ben, je le porterai, c'est pareil, elle habite où, elle, et tu me parles sur un autre ton, s'il te plaît, hein, de toute façon, ton cartable, tu devrais le porter que tu sois chez elle ou à la médiathèque, tu m'écoutes oui, je n'aime pas ton ton là, je t'explique que je quitte deux heures plus tôt pour toi, je ne peux pas partir maintenant, non, tu ne me parles pas comme ça, hein, pourquoi, elle a dit quoi maman, je ne comprends pas ce que tu essaies de faire là, ben, je n'arrive pas à la joindre ta mère, le mieux c'est que tu rentres à la maison, allô, tu m'entends, je trouve que c'est exagéré là, je ne comprends pas, eh ben alors, on se retrouve à la maison à 17h05, tu vas au parc de la mairie un peu, tu t'assois sur un banc, et on se retrouve à la maison, tu ne comprends pas, je rêve ou quoi, ben oui, surtout là, il est quelle heure, ben tu vois c'est dans trois quarts d'heure, on se retrouve directement, tu vois, c'est pas la peine de te mettre dans cet état-là, je ne comprends pas, ou alors c'est moi qui, je ne sais pas, bon, oui, à tout-à l'heure, tu as compris, oui, bisous.
François, ça lui importe peu d'infliger à tout le bureau en "espace ouvert" l'invraissemblable vacuité de ses communications téléphoniques. Le portable a depuis longtemps supprimé le surmoi, la pudeur, ou la tenue, appelons ça comme on veut, la question ne se pose même plus.

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