| José Rosas Ribeyro |
Une question de droits. De succession. D'héritage. Un billet de Juan Tallón consacré à Roberto Bolaño m'avait il y a quelque temps appris cette histoire, que j'ai oubliée, et dont les échos remontent plus ou moins à la surface à l'heure de la publication par les éditions de l'Olivier du premier volume des Œuvres complètes de l'écrivain chilien, un pavé de plus de 1200 pages. Les ouvrages disponibles jusqu'à hier chez Christian Bourgois, y compris les parutions de 2011 ou 2013, sont désormais épuisés, certainement envoyés direct au pilon, retirés des étagères de l'ensemble des librairies du pays. L'heureux éditeur du dernier Goncourt (le parfait Jean-Paul Dubois, pour les vrais égarés) a donc fait main basse sur tous les textes de Bolaño et, semble-t-il, sur les traductions déjà existantes, parfois approximatives, en confiant d'autres au chevronné Jean-Marie Saint-Lu, dont certains poèmes inédits. Ce besoin de faire dans l'hénaurme événement explique certainement cette folie terroriste annonçant d'ici 2022 l'envoi de six volumes mastocs sur la gueule des quelques lecteurs curieux encore en vie ici. Et sur celle de quelques journalistes – je sais, je devrais me taire… Passons.Pour ceux qui ne se laisseront pas intimider par l'entreprise, et qui sauront comment tenir en main chaque volume jusqu'au bout sans se blesser et sans voir les pages se décoller, je laisse le soin, et malgré tout le plaisir, il faut bien le dire, de s'aventurer dans cette dense forêt de mots. Pour les autres, quelques petits aperçus ci-dessous.
La rue Tallers
La fille s'est mise nue une chambre étrangeun frigo étrange des rideauxde très mauvais goût et de la musique populaire espagnole(Mon Dieu, pensa-t-il) et ses basétaient tenus par des jarretelles noires et il était 11 h 30du soir bon pour sourire iln'avait pas complètement abandonnéla poésie une drague de rue de jolis tableauxmais mal encadrés et disposés par simpleaccumulation la fille dit attentionmets-la-moi lentement le rouge ôta son béretils partent hier dit-il et applaudit la pureescrime et ton porte-jarretelles deux cinémas
Tous les commerces étaient fermés aujourd'huiet de plus je n'avais que 50 pesetasTrois tomates et un œufEt rien d'autreEt Softly as in a morning sunriseColtrane en directEt j'ai bien mangéDes cigarettes et du thé à portée de main.Et de la patience dans le compasdu soir venu.
Nouveaux lotissements. Cauchemar
Villes nouvelles avec des parcs et des jeux pour enfantset de Grands Supermarchés…Dans des zones ouvertes, de grands marécages, des fermes abandonnées…Avec des garderies et des boutiqueset de petits restaurants…Les filles de quinze ans qui marchent les yeux fermés…Quelqu'un répond de tout cela,il doit y avoir un gardien quelque part,un panel de cadres…Des filles et des garçons qui bavardent sur les terrasses…Des voix légères qui nous parviennent en sourdine…Comme quand on entend quelqu'un qui parle sur la routesans sortir de son véhicule…Un peu endormi peut-être…Et il est trop tard pour sortir indemnedu cauchemar…
Roberto Bolaño, Œuvres complètes 1,
trad. Roberto Amutio et Jean-Marie Saint-Lu, L'Olivier, 2020
Approximatives, les traductions de chez Bourgois, vraiment ?
RépondreSupprimerB'alors, vu ce que ça nous a ému à l'époque de sa publication, ce doit être quelque chose.
Salud !
Cher Michel Julio Simon, je ne parle que de ce que j'ai sous la main, ou sur le pied parfois, ce premier volume. Et en particulier du court roman intitulé Amuleto aux tournures tout retournées, imbitables dirait Bukowski s'il lisait ses traductions françaises... Salud !
SupprimerEn ces temps troublés, voilà une bonne nouvelle, cher Inconsolable. Pouvoir accéder à Bolano ad lib. est réconfortant (et si en plus les traductions de l'henaurme projet éditorial se posent un peu là : alors banco).
RépondreSupprimerLe bonjour chez vous.
Cher Promeneur, certaines traductions dans ce premier volume posent tout de même problème... Mais peut-être suis-je trop exigeant... Saludos !
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