Mon père m'avait raconté que Kafka lui avait dit plusieurs fois : « Sans une vérité que chacun comprend et à laquelle par conséquent chacun se soumet librement, l'ordre n'est jamais que force brutale, qu'une cage qui se brise tôt ou tard sous la pression du besoin de vérité. »
(…)
A l'époque de mes premières visites à Kafka, je réagissais fréquemment à ses propos en lui demandant d'un air étonné : « Est-ce réellement vrai ? » Dans les premiers temps, le Dr. Kafka me répondait d'un bref signe de tête. Mais alors que je le connaissais depuis déjà longtemps et que je continuais à user de cette question stéréotypée, pour exprimer mon étonnement et mon incrédulité, il me dit un jour : « Renoncez, je vous prie, à cette question. Cette seule phrase suffit, à chaque fois, pour me plonger dans l'embarras. Elle me fait constater mon impuissance. Le mensonge est en effet un art qui, comme tous les autres arts, exige toutes les énergies de l'homme. Il faut s'y consacrer totalement, il faut commencer par croire soi-même au mensonge, et ce n'est qu'ensuite qu'on peut s'en servir pour convaincre les autres. Le mensonge réclame les ardeurs de la passion. Mais ainsi, il révèle plus qu'il ne dissimule. C'est ce que je ne puis pas me permettre. Aussi n'existe-t-il pour moi qu'une seule cachette : la vérité. »
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