jeudi 6 octobre 2016

Pouce(s) !


Je crois que c'est fini. Je suis fatiguée. La semaine dernière, je pense que c'était la dernière fois. Nous devions nous voir mardi. Il m'avait dit que nous pouvions passer tout l'après-midi ensemble, chez lui. C'est la première fois qu'il m'invitait, que j'avais le droit de connaître sa maison. Trois ans. Il a fallu trois ans pour que ce soit possible… Mardi matin, j'ai loué une voiture pour pouvoir y aller. J'avais un tas de boulot, mais il me manquait tellement… Depuis ses vacances avec sa copine, je ne l'avais pas revu. J'avais interdiction de communiquer avec lui durant leur séjour en Espagne. Mais dès qu'il est rentré, nos conversations sur WhatsApp ont repris. Et le désir avec. L'excitation. Mardi, à midi, il m'appelle. Il annule. Ça va être trop juste, à cause du boulot : il a une conférence à préparer, sort un livre cette semaine, fait une émission de radio… Je ne me suis pas énervée. J'ai dit C'est pas grave, on se voit une autre fois, moi aussi, j'ai du boulot. Le soir, ça repart. Il veut me voir, insiste. C'était pas facile. J'avais les enfants. Je m'étais libérée pour le mardi, mais seulement pour l'après-midi, le soir, je rentrais m'occuper d'eux. Il voulait absolument qu'on passe deux-trois heures à l'hôtel. Il n'avait pas le temps pour plus. Pas de dîner avant. Il ne passait même pas me chercher. On irait pas loin de mon quartier alors. Je m'en fichais, j'avais besoin de le voir, son corps me manquait. On se retrouve dans un hôtel, pas loin de la gare, et c'est moi qui prend l'initiative, c'est moi qui paie maintenant. Le réceptionniste me demande ma carte d'identité. Je ne l'avais pas sur moi. J'étais sortie de manière un peu précipitée, après le dîner des enfants, j'avais laissé la grande les coucher et je n'avais pas pensé à prendre mes papiers, juste ma carte bleue pour payer la chambre. Ce n'est pas grave, on va dans un autre hôtel. Dans la rue, il m'engueule Comment tu peux être aussi sotte ?! Tu sais bien pourquoi on se voit ! Tu gâches tout ! Je ne dis rien et rebelotte. Dans le nouvel hôtel, on me demande de nouveau mes papiers. Je ne comprends pas, c'est la première fois que je vois ça. Je ne sais pas si c'est dû à un renforcement des normes de sécurité… J'essaie de parlementer. Le type ne voulait rien entendre. Et lui, il ne dit rien. Il est à côté de moi et ne dit rien. Il avait sûrement ses papiers puisqu'il se déplace en voiture. Mais rien. Il ne dit rien. Ça m'a totalement refroidie, je n'avais plus de désir. Je suis sortie de l'hôtel. Il me suivait en m'engueulant. Je lui ai dit que dans la vie, les histoires, parfois il y a ce genre de moments non productifs, que ça la constitue et nous constitue. Il ne voulait rien entendre. Tu sais pourquoi on se voit ! Tu es inconsciente ! C'est dingue ! J'ai hélé un taxi et je suis rentrée. Je crois que c'est fini. Il m'a envoyé un message tout à l'heure. Il veut qu'on se parle. Mais j'ai besoin d'autre chose. Je ne peux pas entretenir une passion avec mes pouces, en l'alimentant uniquement de conversations sur téléphone et de temps à autre, un tour à l'hôtel. Je suis fatiguée… Je te ressers un verre ?

 

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