Henri Cartier-Bresson |
- (...) Le fossoyeur était mon ami. C'était un homme très sympathique et il savait que mon plus grand plaisir était de recevoir des crânes. Lorsqu'il enterrait quelqu'un, j'accourais pour voir s'il ne pouvait pas m'en donner un. Ce qui me plaisait, c'était... c'était de jouer au football avec. J'avais un faible pour les crânes. Aussi, j'aimais bien voir le fossoyeur les déterrer.- Etait-ce un plaisir morbide ou un jeu innocent ?- Les deux, je crois. En tout cas, j'aimais jouer au football. Je me souviens, quand je suivais des yeux le crâne qui tournoyait en l'air et que je me précipitais pour l'attraper... C'était plutôt un sport naïf. Je savais qu'il n'était pas permis de jouer au foot avec des crânes, j'étais bien conscient qu'il s'agissait d'une chose anormale. D'ailleurs, je n'en parlais à personne. Pourtant, cela ne relevait pas d'un sentiment morbide, mais procédait plutôt d'une sorte de familiarité avec l'univers de la mort ; il y avait la proximité du cimetière, les enterrements (...)
Gabriel Liiceanu, Itinéraires d'une vie : Cioran
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