jeudi 19 novembre 2015

Tout peut arriver !




Nous y sommes. Certes, nous dit-on, le pays vient d'entrer en guerre. La menace terroriste n'ayant jamais été aussi grande, il va falloir du temps pour retrouver un peu de légèreté dans nos vies. L'humeur est encore à la consternation. Je jure avoir à peine souri devant ces affiches publicitaires de la Française des jeux, au parfum désormais amèrement ironique, encore placardées dans les rues de la ville et aux terrasses des cafés. 


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Et je suis pris de malaise devant le grotesque mot-dièse Jesuisunchien ayant inondé hier tablettes et téléphones intelligents suite à la mort d'un chien policier à Saint-Denis. Pris de fatigue lorsque j'apprends que la fameuse multinationale des réseaux sociaux propose à tous ses membres - ceux-là mêmes qui ont offert leurs données personnelles, faisant du créateur de l'entreprise un multimillionaire - par un simple clic, de faire flotter sur leurs profils le drapeau tricolore. Et d'une réjouissance bien dérisoire lorsque je lis qu'une internaute ayant expliqué pourquoi elle refuse ce jeu a récolté des milliers de pouces levés. Mais d'un certain mépris pour les journalistes relayant cette dernière info en précisant que cette femme est mariée à un musulman. 
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Dans notre grande démocratie en guerre, trois jours après la mort inqualifiable d'une centaine de civils, et malgré l'encore toute frâiche loi sur le renseignement, Le Figaro et RTL publiaient une enquête d'opinion commune selon laquelle une grande majorité de Français (84%) se disait prête à restreindre ses libertés pour plus de sécurité. 

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Rien de neuf, malheureusement. Quelques jours avant les tueries du 13 novembre, nos chers médias se faisaient écho d'un sondage Ifop pour le site Atlantico. On y apprenait que les Français étaient « fatigués de la démocratie », 67% d'entre eux estimant que la direction du pays devrait être confiée à des experts non élus en charge de réaliser les réformes nécessaires mais impopulaires, 40% de nos concitoyens se déclarant favorables à l'arrivée d'un pouvoir politique autoritaire. Si l'on sait que ce média pure player créé par un ancien journaliste de TF1, ami de Patrick Buisson, et dont les principaux actionnaires ont pour nom Xavier Niel, Marc Simoncini, Gérard Lignac ou encore l'inénarrable Charles Beigbeder  - aux sympathies traditionnalistes déclarées -, est étiqueté à droite de la droite, les événements récents montrent que ces belles idées n'appartiennent à personne, comme on dit aujourd'hui.

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Les médias ont beau évoquer un virage idéologique, on se souvient de cet ancien Premier ministre socialiste, chéri des journalistes, qui, il n'y pas si longtemps, estimait que seul un pouvoir autoritaire était à même de mener les réformes nécessaires en Grèce. Ou, plus près de nous, la position d"un ancien Garde des Sceaux, également socialiste, en matière de Code du travail et de libertés des salariés.

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Aujourd'hui, alors que nos députés discutent de la prolongation de l'état d'urgence, à travers une importante réforme de la Constitution, c'est au tour de l'auteur - socialiste - de l'ouvrage Sécurité pour tous, Une exigence de justice sociale d'affirmer que les Français sont prêts à une restriction des libertés « toute relative, encadrée, contrôlée et limitée dans le temps ».

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Certainement lecteur de George Orwell, notre irremplaçable Premier ministre vient d'annoncer, le plus sérieusement du monde, que la sécurité était la première des libertés. Nous y sommes.

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