dimanche 21 décembre 2025

Le passé


Harry Gruyaert

 

Si un jour je me perds
Cherchez-moi à Rome. 
J'aime tellement Istambul…
Mais cherchez-moi à Rome. 
J'aimerais voir Venise. 
J'ai passé ma jeunesse à Paris. 
Et mon cœur est à New York. 
Mais cherchez-moi à Rome. 
Si un jour je me perds,
Rendez-vous à Rome, et le soir venu
Promenez-vous sans but particulier. 
Vous me découvrirez admirant la façade 
D'un vieux palais. 
En pleine discussion avec un inconnu. 
Je me rejouirai de vous voir. 
Je vous paierai un verre. 
Et nous remémorerons le passé. 

 

José María Álvarez, "Elegía romana", 
trad. maison 




vendredi 19 décembre 2025

Seul et soûl

 

Francisco Ontañón

 

C’est la nuit et je suis dans la partie haute
de Barcelone et j’ai déjà bu
plus de trois cafés crème
en compagnie de gens que je ne
connais pas et sous une lune qui parfois
me semble si misérable et parfois
si seule et peut-être qu’elle n’est
ni l’un ni l’autre et que je
n’ai pas bu de café mais du cognac et du cognac
et du cognac dans un restaurant de verre
dans la partie haute et que les gens à qui
j’ai cru tenir compagnie en fait
n’existent pas ou que ce sont des visages entrevus
à la table voisine de la mienne
où je suis seul et soûl
en train de dépenser mon argent à l’une des limites
de l’université inconnue. 

 

Roberto Bolaño, Poèmes
trad. Robert Amutio et Jean-Marie Saint Lu, Points  

mardi 16 décembre 2025

Malgré la pluie battante

Leonard McCombe 

 

viens, approche

je te propose une expérience 
intense et sensuelle
dénuée de vulgarité
sauras-tu te passer 
de cette facilité ?

la perspective de rester
connectés toute la journée

à brève échéance
avant le déclin

l'offre s'entend 
à très grande vitesse
sans engagement 
les frais offerts
sur simple demande 
 

prends tes yeux
sous l'astérisque tu découvriras 
ses principales caractéristiques
et ne pourras la décliner

renouvellement tacite 
et automatique

entends-tu déjà 
malgré la pluie battante

les surlendemains qui déchantent ?

le moment est lourd
de possibles
sers-toi encore une lichette
cette fillette a encore
bien des choses 
à nous apprendre
 

viens plus près
colle-toi à moi 

remontons le son
c'est à toi de tirer



charles brun, des nuées de scrupules

jeudi 11 décembre 2025

Chronique d'une bronchite

Francésc Catalá Roca


 

On a fini par me diagnostiquer une bronchite chronique, à surveiller. Vous avez fumé combien d'années ?, m'a demandé le médecin. J'ai bientôt 80 ans, j'ai dit, jamais de ma vie je n'ai fumé. Il n'en croyait pas ses yeux : l'examen était on ne peut plus clair.  J'ai longtemps été musicien, j'ai dit, on jouait dans des clubs, des cafés, des salles où, à l'époque, tout le monde fumait,  j'ai dû avaler un peu de tout. Le médecin, c'est un amateur de jazz, il a voulu en savoir plus, ça l'intéressait. J'ai raconté ma carrière de batteur, les clubs qu'il y avait alors, à Madrid. Une cinquantaine, facile. Il y avait l'Alazán, sur la Castellana. Le grand Sabina en parle dans une de ses plus belles chansons, De Purisima y Oro
A l'Alaz
án, on venait pour la musique mais aussi pour voir les filles. Il y en avait de très belles. Spécialement invitées. C'étaient des clientes, mais elles ne payaient pas leurs consommations. Elles étaient là pour la déco en quelque sorte, pour attirer le client. Attention, ce n'étaient pas des putes. Elles se contentaient d'être là, avec leur beauté.  
J'avais ma propre batterie, fait rare à cette époque. Je la trimballais d'une salle à une autre. Il y avait le Morocco, dans le quartier de San Bernardo, 
calle Marqués de Leganés pour être exact. Je crois que le lieu existe encore. Un verre coûtait un bras. On pouvait dîner sur place. Au Morocco, on ne croisait que des gens très chics, élégants, la grande bourgeoisie du régime, des médecins, avocats, des militaires, des pontes du pouvoir, des toreros, et les vraies putes, là on en trouvait. L'ambiance n'était pas trop au jazz dans mon souvenir. On y jouait encore la conga, des musiques exotiques, pour danser pépère, du tango, le paso doble national... Il fallait bien vivre. 
Et puis, il y avait el 
Cisne Negro, le Cygne noir, salle magnifique, et véritable lieu de prostitution, près de la Calle Cartagena. La salle était au sous-sol d'un cinéma si je me souviens bien. Je n'y suis pas resté longtemps. J'avais interdiction de nouer des contacts avec la clientèle. Or, on m'a surpris un soir dans un café du coin avec une fille qui me harcelait véritablement. Oh, pas pour mon physique, vous pensez bien, mais pour mon jeu de batterie. Elle en était folle. On m'a donc foutu à la porte le soir même. Et je n'ai même pas baisé la fille. 
Je suis allé jouer au Melodías, là, je parle des années 1950, l'essor des variétés. 
J'ai accompagné quelques vedettes de la chanson. Des gens qui avaient un succès fou mais qui étaient foncièrement incompétents. Qui étaient toujours en retard sur la musique. Evidemment, ils avaient quelque chose, un certain charisme qui expliquait leur popularité, mais aucune technique, aucun professionalisme. Et puis, on ne pouvait rien leur dire. C'étaient des dieux. Personne ne leur faisait la remarque. Et dans ce genre de situation, celui qui dégage c'est le musicien. Au Consulado, j'ai également joué avec un groupe de l'époque, Los Benet. La clientèle était plus jeune, aussi privilégiée et élégante mais plus jeune, des adolescents. 
L'influence du rock, des groupes anglais, s'est 
vite faite sentir et les groupes mettaient littéralement le feu. On a du mal à imaginer ce genre de choses lorsqu'on évoque ces années-là aujourd'hui, qui étaient aussi celles de la répression et de la misère pour bien d'autres. 
Pour ma part j'étais assez réticent à ces musiques. Le rythme changeait et le niveau sonore devenait vite insupportable. La musique avec laquelle j'avais grandi ennuyait profondément ce nouveau public. J'ai également joué au 
Pasapoga, la meilleure salle de Madrid pour la fête. Et puis se sont développées les discothèques. En extérieur ou entièrement fermées. A la périphérie de la ville le plus souvent. On y croisait les footballeurs du Real ou même ceux de l'Atlético, pas toujours accompagnés de leurs femmes, si vous voyez ce que je veux dire. Ces filles, on ne les appelait pas encore mannequins ou influenceuses. Des danseuses, des comédiennes, puis des présentatrices télé. C'est alors que les disc-jokeys sont arrivés, il n'y avait plus besoin d'orchestres. Il suffisait de faire tourner un disque, ça revenait bien moins cher. 
J'ai tenu jusqu'au début des années 1980. Les salles avaient fermé les unes après les autres. Les musiciens étaient relégués aux fêtes de mariage ou de communion. C'est là que je suis entré à la Poste. Où ça fumait aussi dans les bureaux. Oui, beaucoup de mes collègues ont été emportés par un cancer, toute sorte de sales maladies, après toutes ces années dans des salles enfumées, pas aérées. Mais bon, j'ai dit au médecin, moi, je suis encore là. Avec mes souvenirs à la con et ma bronchite chronique. 

 

samedi 6 décembre 2025

Par inadvertance


Hier soir, par inadvertance, en me rasant je crois, j'allume la radio et reconnais immédiatement une voix qui me ramène 30 ans en arrière. Cette voix, alerte, malicieuse, pas de doute, c'est celle d'Anatole Dauman, personnage que j'ai 
durant quelques mois fréquenté de Paris à Angoulême et retour. 
L'émission date de 1996, deux ans avant la disparition de ce producteur singulier. Sur le champ, remontent à la mémoire ses coups de fil inopinés, ses soudaines invitations à déjeuner du côté de la Muette, ses amusantes extravagances, ses emportements explosifs. Et l'appel de son secrétaire-chauffeur pour m'annoncer sa mort et le rendez-vous au Père Lachaise. Je me revois encore traînant dans le quartier de Gambetta sans parvenir à prendre la direction du funérarium. Cette fameuse jeunesse stupide... Passons. Oui, passons trois heures avec Anatole, avec bon plaisir. 

 

 

vendredi 5 décembre 2025

Jours de pluie

Edouard Boubat

 

 

où allions-nous lorsque
la pluie pointait son nez ? 
abrités sous un porche
l'un contre l'autre
comptions-nous nos sous
pour un ticket de ciné,
la salle enfumée
derrière le grand comptoir
ou,
les jours de gloire,
une chambre d'hôtel
aux portes de la ville ?

souviens-moi de toi
cette époque où
la noirceur était vertu
et la route couverte de boue
pas de futur pour les enfants 
comme nous
tes yeux étaient-ils bleus
gris
ou vert de gris ?
je les ai oubliés

dérobais-je pour toi
d'obscurs ouvrages
à propos du rôle de notre classe
la place de notre rôle –
et autres syllogismes si pratiques ?
tu rêvais popoésie 
arrogant je rabachais popolitique
nous étions nés
avant le vent, chantais-tu
aussi jeunes que le soleil

où trouvions-nous
refuge lorsque la fatigue
du jour s'emparait des rues 
tes yeux brasillaient
et s'emballaient nos sens interdits ? 
petite fille en pleurs,
écris-moi cette chanson

 

 charles brun, sens interdits

mardi 25 novembre 2025

Un bon à rien

 

Burt Glinn

 

Alexeï Fiodorovitch Karamazov était le troisième fils de Fiodor Pavlovitch Karamazov, un propriétaire terrien de notre district bien connu en son temps (et dont on se souvient chez nous aujourd’hui encore) à cause de sa fin tragique et obscure qui s’est produite il y a exactement treize ans, et dont je parlerai le moment venu. Pour l’instant, à propos de ce «propriétaire terrien» (comme on l’appelait chez nous, bien que toute sa vie, il n’ait presque pas vécu sur ses terres), je me contenterai de dire que c’était un type d’hommes étranges que l’on rencontre néanmoins assez souvent, c’est-à-dire de ces gens qui sont non seulement abjects et débauchés, mais en plus de ça, des bons à rien – et néanmoins, de ces bons à rien qui savent parfaitement mener leurs petites affaires matérielles et, semble-t-il, uniquement celles-là. Par exemple, il avait commencé presque à partir de rien, c’était un tout petit propriétaire, il passait son temps à jouer les pique-assiette, s’arrangeait pour vivre aux crochets des autres et avec ça, au moment de sa mort, il s’est avéré qu’il avait dans les cent mille roubles en argent comptant. Et avec ça, il a quand même été toute sa vie l’un des bons à rien les plus extravagants de tout notre district. Je le répète encore une fois : ce n’est pas là de la bêtise, la plupart de ces extravagants sont assez intelligents et malins, mais ce sont très précisément des bons à rien, et qui plus est, d’une espèce particulière, nationale.

 

Incipit des Frères Karamazov dans la nouvelle traduction qu'en donne l'excellente Sophie Benech aux éditions Zulma. 1200 pages par les temps qui courent à consommer sans modération. Santé !

 


dimanche 9 novembre 2025

Qui commence  ?

Edouard Boubat

 

 

Quand vous approchez la main d'une curieuse grosse tache noire et qu'elle se sauve, c'est une araignée. 

*** 

Le travail éreinte, le loisir ennuie, l'amour tourmente, la vie tue. 

*** 

Source de tourments inépuisables : vouloir à toute force caresser un sexe qui n'est pas le sien. 

***  

Un des gros problèmes que j'ai c'est avec les films étirables. 

*** 

Un nuage, qu'il crève !

*** 

Toute vie travaille à se borner, à s'étriquer. Inconsciemment, on se prépare au cerceuil. Puisqu'il faudra tenir dans une toute petite boîte. On s'y prépare tous les jours. 

*** 

Je suis enfin parvenu à cette vie dénuée d'utilité dont je rêve depuis toujours… D'où l'utilité de ne pas rêver. 

*** 

Je dénoue des contacts.

*** 

Je fais beaucoup de sport pour allonger ma vie d'ennui et de détestation.

*** 

Le premier problème de l'homme c'est l'érection. Il n'a pas de deuxième problème.

*** 

Vous n'avez le choix qu'entre l'insupportable solitude et l'insupportable compagnie. 

*** 

Aujourd'hui, on me dirait tu n'as plus que deux heures à vivre, je penserais seulement : « qu'est-ce que je vas bien pouvoir en foutre… »

*** 

L'imparfait du subjectif. 

*** 

Je préfère les écrivains qui ne s'assoient pas pour écrire. 

*** 

Même les seins en plâtre me font un petit quelque chose. 

*** 

Le poète, il exerce son altruisme en n'étant attentif qu'à lui même. Pas un personnage sympathique donc. Mais – deux ou trois fois par siècle –  bouleversant !

*** 

Je n'ai jamais été aussi bas dans mes sondages. 

*** 

En France tout le monde écrit sauf moi.

*** 

Etre passé à côté de tout, c'est-à-dire avoir bien vérifié que tout est autant insaisissable qu'indicible. 

*** 

On n'est jamais à court d'idées fixes !

*** 

Bon on arrête d'écrire, qui commence ? 

 

 

Jean-Pierre Georges, L'Ephémère dure toujours
ed.  Tarabuste, 2010

mercredi 5 novembre 2025

Pas Balzac !

Brigitte Diez


 

 

fille en short, qui ronge tes ongles en tortillant du cul,
les garçons te regardent – tu as plus d’importance, semble-t-il,
que Gauguin ou Brahma ou Balzac,
plus, en tout cas, que les crânes qui nagent à nos pieds,
ta démarche hautaine brise la tour Eiffel,
fait tourner les têtes des vieux vendeurs de journaux à la sexualité
éteinte depuis longtemps ;
tes bêtises réfrénées, ta danse de l’idiote,
tes grimaces délicieuses – ne lave jamais tes sous-vêtements
sales, ne chasse jamais tes actes d’amour
à travers les allées résidentielles  – 
ne nous gâche pas ça
en accumulant kilos et fatigue,
en acceptant la télévision et un mari gnangnan ;
n’abandonne jamais ce déhanchement maladroit et inepte
pour arroser la pelouse le samedi  – 
ne nous renvoie pas à Balzac ou à l’introspection
ou à Paris
ou au vin, ne nous renvoie pas
à l’incubation de nos doutes ou au souvenir
du frétillement de la mort, salope, affole-nous d’amour
et de faim, garde les requins, les requins sanglants
loin du cœur.

 

Charles Bukowski 

 


Dans la série des publications initiées ces dernières années par les éditions du Diable Vauvert, cette nouveauté qui n'en est pas une mais qui n'en reste pas moins bienvenue, Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines (1969), dans la traduction de Thierry Beauchamp de 2008 (Le Rocher, puis Points).  

 


mardi 4 novembre 2025

Dantesque

Engin Akyurt

 

 

La culture, autant que l’agriculture, souffre d’une superproduction dantesque. Elle propose quotidiennement une vaste gamme de produits périssables à écouler dans des délais de plus en plus brefs. 

Roland Topor 

lundi 3 novembre 2025

1975

Vittoriano Rastelli

 

Récemment, France culture a cru bon de célébrer le 50e anniversaire de l'assassinat de Pier Paolo Pasolini. La radio d'Etat s'est pour cela contentée d'ouvrir ses archives de… 2022. Rediffusion donc d'une compilation d'entretiens avec PPP et avec «ceux et celles qui l'ont connu, aimé, admiré, analysé ou traduit »… Présentation de la chose ci-dessous et série complète en cliquant ici.  

 

 

vendredi 31 octobre 2025

L'essentiel


Benjamin Lebus

 

 

L'essentiel, en effet, qu'est-ce c'est que ça ? Le banal, l'anodin, la déroute quotidienne, voilà l'essentiel.

Jean-Claude Pirotte 

mercredi 29 octobre 2025

Dans la mesure du possible


Laurence Bouchard

 

Il y a un silence qui s'appelle la mort il fait peur à ceux qui comme moi s'étourdissent de mots j'aimerais ne plus avoir peur de la mort et surtout ne plus y penser comme à une solution j'ai beaucoup vécu dans la mort j'en ai beaucoup parlé je l'ai brandie je la brandis encore telle une réponse voire une sorte de philosophie mais je ne me trouve pas sincère sinon je serais déjà mort. 
Ça voudrait dire que je joue avec une menace que je me fais peur et que je fais peur aux autres à ceux que j’aime avec la peur qui m’a frappé jadis ?
(...)
Ah vie salope !
Oh je vous ai vus je vous ai observés
et si je suis obligé de me tuer je reviendrai hanter le monde dans la mesure du possible
car que croyez-vous être que je ne suis pas ?
Que croyez-vous savoir que je ne sache pas ?
Ces ordures qui m’ont fait tant de mal en me disant que j’étais bête c’étaient des professeurs
mais le mal c’est à moi que je le fais.
Et toute cette merde chrétienne qui enchaîne.

 

Richard Morgiève, Ma vie folle, Pauvert, 2000

samedi 18 octobre 2025

Des millions de tangos

Inge Morath, Saul Steinberg



défilaient de nouveau
dans le désordre de la nuit
toutes ces années noyées dans les cafés
les vaines batailles contre la lâcheté 
juché au sommet d'un monticule de vulgarité
les filles séduites et abandonnées
dans un cinéma de quartier
les paroles données
les livres volés
les enfants envolés
ces tranches de vie à vomir
ces tronches de vide-ordures
qu'il n'avait pas osé gifler
la sienne en premier lieu
les matins sonnés
le larbinat salarié
les pieds enflés de sa mère
son dos voûté
le squelette déglingué
la vérité avalée
les avertissements méprisés
les mots bafoués 
des millions de tangos écoutés
toutes ces années…

oubliés le nom des poètes disparus
mais quand on est à court d'idées
comme dans la chanson
on fait quoi déjà ?

demain, demain... 

 charles brun, le désordre de la nuit

samedi 11 octobre 2025

Beauté du système


Mikhail Korolkov

 

 

- Je n'en peux plus, ça me tape sur le système.
- Au contraire.
- Je t'assure.
- Quand je disais Au contraire, je voulais dire : Ça ne te tape pas sur le système, c'est le système qui te tape dessus.
- Très drôle.
- C'est la vérité. On en reprend une ?
- La vérité ?... Ils sont dingues, oui !
- Détrompe-toi. Ils sont loin d'être dingues. Ils veulent nous rendre dingues. C'est leur projet. Ce sont des pervers cyniques. Mis en place pour nous dégoûter, nous retourner la tête, nous abrutir, nous épuiser, nous éloigner à jamais du débat... 
- Il n'y a que ça, des débats, toute la journée.
- Tu confonds débat et ces pathétiques spectacles de pyrotechnie diffusés en boucle, seulement destinés à nous enfumer, nous infantiliser, nous abêtir, nous inculquer la servitude, la soumission à l'ordre commercial numérique et rémunérer leurs porte-flingues qui courent les plateaux télé, les ministères, les cabinets de conseil et les commissions de tout type...
- ...Tu y vas fort. 
- Je ne pense pas.
- Comme toujours, tu exagères. 
- Au contraire, encore une fois. En fait, crois-moi, je suis en-dessous de la réalité. Ce qui s'est mis en place depuis quelques années, avec notre collaboration zélée, nous échappe totalement, nous absorbe, nous lie à vie, à mort, à tous les autres noyés, nous avons laissé faire, fermé les yeux...
- Fermé les yeux ?
- Et abandonné tout esprit critique, toute capacité de réflexion, de pensée, de création... 
- Quel tableau, ça fait du bien de se retrouver après tout ce temps...
- C'est toi qui a commencé, je n'ai rien demandé.
- N'en parlons plus alors. 
- Oui, prenons nos responsabilités et buvons en silence. 
- C'est pas Charlie Parker qu'on entend, là ?
- Exact. 
- Ahmed, remets-nous ça. Il nous faut trinquer à la beauté... Tu vois, nous sommes encore capables de la reconnaître.
- Ça nous console, du moins, de le croire..

mardi 7 octobre 2025

Requiem



Vincent Petitdemange était né dans les Vosges en 1990. En rupture de ban, cet ingénieur de formation est parti à l'aventure, à la marge, durant huit années. Et a décrit ce qui ressemble à son parcours dans un roman à paraître ces jours-ci aux précieuses éditions des InstantsRequiem au bord du jour en est le titre. Le fichier de ce texte a été retrouvé par la famille peu après le suicide de l'auteur en 2022. Extraits des premières pages. 

(…) Ce n’est plus l’heure des barricades ni des martyrs. Le confort est passé par là. Il est rentré dans la viande, comme une seconde peau. Pousser un peu la voix de temps en temps, par hygiène, c’est tout ce que les revendicateurs peuvent se permettre. 
Quoi qu’il en soit, le confort n’est pas un horizon. Ce n’est pas suffisant. Il faut tout de même un but dans la vie, un idéal, un fil où se raccrocher et le suivre coûte que coûte, même s’il conduit au néant. Il faut habiller son quotidien d’idéaux, d’horizons et d’idéaux, ainsi vêtu devient-il supportable. 

(…) Aux élus et leurs séides, il leur poussaient les dents qu’ils avaient déjà fort longues. Il n’y avait plus de retenue qui tienne. Au point où ils en étaient, une hypocrisie de plus ou de moins, cela n’avait aucune importance. Pourquoi changer de cap ? Tant que le pourceau crache au bassinet, aucune raison d’effleurer le gouvernail. Seulement en bas dans les patelins, à Peirthe, à Sansoley comme ailleurs, la population commençait à s’empourprer qu’on les prenne pour des péquenots. Cela ne suffisait plus qu’on leur fasse les poches, fallait-il encore les mépri- ser. Les élus ne se comportaient plus autrement, ce qui en disait assez long. Lorsqu’on les met devant leurs privilèges, ils se dédouanent comme ils peuvent. D’abord, ils n’oublient jamais de rappeler qu’eux aussi sont des contribuables, comme tout le monde, des citoyens, des patriotes. Un peu moins patriote que citoyen sans doute. Le drapeau pour eux, c’est une jolie bavette. Ils rotent dedans et s’y essuient les babines, mais ils savent garder les apparences. Ils n’omettent pas de brandir la cocarde quand résonne le clairon. Tout cela est entendu. La population n’avait plus confiance. Cela faisait quelques années que l’abstention s’imposait, grimpait sur les scrutins, sur toutes les élections. Cette tendance n’était pas prête de s’infléchir. Le théâtre politicien avait perdu son éclat, son pimpant. Les tréteaux branlent, les comédiens bredouillent. Lorsqu’une élite perd son lustre, elle en perd aussi le nom. Alors le peuple, instinctif, bouillant soudain, lui vient des idées de meurtre. Nous en étions là.

 


mardi 30 septembre 2025

De notre vivant

Sean Plunkett



nous affabulions à la moindre occasion
de notre vivant 
abhorrions leur douce version
hors de question 
de suivre leurs reproductions intelligentes et
avariées
nous rejetions leurs satanées explications
et persistions à entretenir le feu 
sacré
simulions des engueulades ménagères
dans les allées des alimentations 
générales
nous ignorions leurs sempiternelles 
préventions
assignations
injonctions à la con
leurs gueules de fion en boucle
sur tous les écrans
une guitare sèche et un bandonéon
parfois un piano droit
constituaient notre principale consolation

nous ne laissions rien paraître 
ni stupeur ni haut-le-cœur
et reprenions à tue-tête
cette chanson pop dont nous ne saisissions 
pas le sens
de notre vivant
je me penche à la fenêtre
tu es la fille d'hier
celle qui s'amuse avec les fleurs
de mon jardin
il est trop tard pour comprendre
rentre chez toi, petite
nous ne pouvons plus jouer

nous oublions le spectacle
que nous étions
de notre vivant




charles brun, production clandestine





jeudi 18 septembre 2025

Changement de direction

Bill Perlmutter

 

 

quand un homme marche 
vers son destin
il est bien souvent forcé 
de changer de direction. 
lancé en vingt minutes
de méditation
dans la médecine intégrative 
et la transformation personnelle 
j'ai quitté la finance internationale
et trouvé à l’intérieur de moi-même
l’endroit où rien
n’est impossible.

le bonheur ne devient concret 
que lorsqu’il est perdu. 
ressourcé et connecté 
à une joie profonde
j'ai ouvert mon esprit 
et mon cœur
à une paix sincère
un sentiment d'infini 
de liberté d’être 
tel que je suis. 
 

l'accès à des concepts 
auparavant réservés 
à quelques-uns
m'a conduit à 
adopter de nouvelles 
habitudes et vertus. 
penseur 
médecin
conférencier 
écrivain à succès
je suis avant tout
créateur de prospérité

être en compagnie de personnes 
partageant les mêmes idées que nous 
amplifie notre croissance 
émotionnelle
intellectuelle 
et spirituelle. 

faisons grandir cette communauté
retrouvez vous aussi
au milieu d’arbres centenaires
face à la mer 
le sens profond 
de votre être et de vos envies. 

à travers un voyage complet 
riche d’expériences 
qu'il me tient à cœur 
de partager 
vous vous sentirez 
reconnaissants et heureux 
retrouverez confiance en vous 
et dans la vie. 

ces quatre jours de reconnexion avec soi
au sein d'un groupe 
aux regards 
bienveillants et authentiques
vous plongera
en toute intimité
au cœur de votre humanité
paiement en ligne sécurisé. 



charles brun, vers un avenir radieux

mardi 16 septembre 2025

Citation


Vivian Maier

 

 

Les citations me tapent sur les nerfs. Mais nous sommes enfermés dans un monde qui cite en permanence tout ce qu'il est possible de citer, dans une citation permanente qui est le monde même. 

 

Thomas Bernhard, Perturbation
trad. Bernard Kreiss, Gallimard

mardi 9 septembre 2025

Left alone

Fred Lyon



 

seule la lune
pleine. 

pas un chat
d'oiseau, de train
la traîne d'un avion au loin 
caresse le silence 
l'ombre du chien. 
l'heure du loup. 
dans la cuisine

ce court présent
avant l'oubli et le chagrin
m'appartient
lâchement,
démuni,
je me rends,

dépose les mots
c'en est fini. 
déjà
un miaulement
m'implore
j'aide leo the last
à grimper sur mes épaules. 
comme avant il m'écrase
de son ronflement permanent
réconfortant
saluant le jour naissant. 
par chance
il en descend rapidement
s'allonge sur left alone revisited
et une nuit avec hamlet 
abandonné sur cette vieille table de ferme. 
je verse quelques croquettes
le regarde se régaler
lui offre un verre d'eau. 
le vacarme du temps peut s'imposer.


 

charles brun, nuits de pleine lune



vendredi 22 août 2025

Du malheur des hommes

Gianni Berengo Gardin



A la bibliothèque universitaire de Salzbourg, le bibliothécaire s’est pendu au lustre de la grande salle de lecture parce que – ainsi qu’il l’a écrit sur un billet qu’il a laissé– il ne pouvait plus supporter, après vingt-deux ans de service, de classer des livres et de prêter des livres qui ne sont écrits que pour causer des malheurs, et, par là, il entendait tous les livres jamais écrits. Cela m’a fait penser au frère de mon grand-père, qui était garde-chasse à Altentann, près de Henndorf, et qui s’est tué d’un coup de fusil au sommet du Zifanken, parce qu’il ne pouvait plus supporter le malheur des hommes. Lui aussi avait noté cette conclusion sur un billet qu’il avait laissé.

 

 

Thomas Bernhard, L’Imitateur
trad. Jean-Claude Hémery, Gallimard

 

jeudi 21 août 2025

Un voyant


Shōmei Tōmatsu

 

Un malade est un voyant, personne d'autre n'aperçoit plus clairement l'image du monde. Quand il aura quitté l’Enfer, ainsi avait-il désormais qualifié l’hôpital, les difficultés qui, ces derniers temps, lui avaient rendu le travail impossible seront écartées.  L'artiste, l'écrivain en particulier, lui avais-je entendu dire, a carrément l’obligation d’aller de temps en temps dans un hôpital, peu importe que cet hôpital soit un hôpital, une prison ou un monastère. C’était là une condition préliminaire absolue. L'artiste, l'écrivain en particulier, qui ne va pas de temps en temps dans un hôpital, donc ne va pas dans un de ces districts de la pensée, décisifs pour sa vie, nécessaires à son existence, se perd avec le temps dans l'insignifiance parce qu'il s'empêtre dans les choses superficielles.

 

Thomas Bernhard, Le Souffle
trad. Albert Kohn, Gallimard 

dimanche 17 août 2025

Elle t'a demandé…

Camilla Gorini



Une jeune fille t'a demandé : Qu'est-ce que la poésie ?  
Tu voulais lui dire : C'est ce qui fait que tu existes, ô oui, que tu existes,
et que de crainte et d'émerveillement,
qui sont la preuve du miracle, 
je sois si cruellement jaloux de la plénitude de ta beauté,
et que je ne puisse t'embrasser ni dormir avec toi,
et que moi, je n'aie rien, et que celui qui n'a rien à donner
doive chanter…

Mais tu ne lui as rien dit, tu as gardé le silence
et ce chant, elle ne l'a pas entendu… 

 

Vladimir Holan, trad. Dominique Grandmont,
Une nuit avec Hamlet et autres poèmes, Poésie/Gallimard 

 

mercredi 13 août 2025

Le désespoir de Narcisse

Ludwig Van Borkum




 

 

Je voudrais n'avoir jamais existé ; gommer toute trace de ma présence sur cette planète. Mes peintures sont des paravents qui, tant bien que mal, masquent ma misère et mes ruines. Mes poèmes sont des fragments d'un miroir brisé qui fait le désespoir de Narcisse. Tout comme croire en Dieu, s'aimer est impossible mais parfois se tolérer serait paradisiaque. Ma religion : être ébloui par le pur éclat du néant.  

 

Jean Raine, Le Temps du verbe
L'Echoppe, 1992 

samedi 2 août 2025

Refus du poème

Přemysl Koblic

 

 

Les filles du chant sont venues:
– « Veux-tu de nous ? Nous sommes nues,
nos lèvres sentent la lavande »
 
– Je songe aux ravins de Finlande
où dorment des soldats de gel... 
Les vierges de sel du poème
m'ont dit : – « Il est temps qu'on nous aime !
Nous sommes nues sous la peau. »

Je songe aux navires sous l'eau
noyés derrière les vitrines…

Les molles putains de mon songe
me crient : – « Lâche pied et plonge
que les poissons sont frais et muets ! »  
– Je songe aux forçats d'Allemagne :
ils sont maigres sous le fouet... 
Les douces mères du sommeil
me choient : « Couche-toi ! Les orteils
dressés vers la pointe du somme. 
La belle au bois qui dort dans 1'homme
ne se nourrit que de baisers… » 
– Je songe aux énormes brasiers
qui brûlent autour de la terre... 
La vieille édentée de la mort
m'a dit : – « Chaque cheval a son mors.
Ton lot sur terre est la mort lente.
Que ça te déplaise ou non, chante !
Nul être n'a droit au merci...
A quoi penses-tu, ombre vague ? » 
– O très chère, je songe à Prague !
Je n'entends pas, je n'entends plus
les prières de ses synagogues...

 

Benjamin Fondane, 
in Le Mal des fantômes, Verdier poche, 2025

 





mercredi 30 juillet 2025

Du malheur d'être homme

Gil Prates

 

Il fut un temps, pas si lointain, où la radio d'Etat dite France culture offrait à une personnalité un espace de trois heures pour retracer son parcours, écouter les personnes qui comptaient pour elle, et ainsi de suite… Les nuits de la chaîne, constituées d'archives sonores, ont rediffusé dernièrement Le Bon plaisir d'Annie Le Brun, enregistré en 1992. Celle qui affirmait qu'« il n’y a pas de poésie sans la conscience extrême du malheur d’être homme » était entourée de Jean-Jacques Pauvert, du directeur du Crazy Horse, Alain Bernardin, et du plasticien surréaliste québécois Jean Benoît– Alfred Jarry s'étant fait porter pâle ce jour-là. 

 

 

mercredi 23 juillet 2025

Fermeture définitive

Gilles D'Elia

 

 

 

quelle était la chanson ?

nous déambulions cet air
en tête
le long de la coursive
d'un passage couvert 
désert du XIXe siècle
en ruines
en haut des marches
il se tenait majestueux
époque soûl sous le balcon
était-ce cette chanson ? 
chemise noire
ouverte sur un médaillon
naturellement semblant
nous attendre
seuls à le comprendre
incapables de lui parler
nous nous mîmes à chanter
ce standard noir et blanc
sans savoir 
que nous ne connaissions plus
les paroles du deuxième
couplet

honteux j'espérais 
qu'il eut reconnu 
le fils du maçon espagnol
grassement
payé au noir 
pour refaire 

avec un de ses Javanais

sa garçonnière du XVIe
arrondissement 
et redoutais
qu'il ne nous tournât 
le dos
le ré et le la

Un type comme ça,
le chanteur,
dit mon père
qui ne me parle plus guère
le pouce levé pour confirmer
me faut-il toujours mettre en doute
les paroles de ce seigneur des bobards ?

Oublions souvenirs
cauchemars
morts et vivants
place au rêve
entre jazz et java
était-ce la chanson 
pour Audiberti 
sa promesse de revenir
la chanter pour les marches
les murs
le cœur des pierres 
et le maçon ?

le boxeur toulousain
nous souriait 
comme à des gosses
perdus
abandonnés
depuis des années
vieillards précoces
nous resservait
ses vers
à l'oreille
que nous reprenions 
à tue-tête
en l'air
en chœur
en espoir de cause
empathie générale

quelle était la chanson ?

liquidation totale
tout doit disparaître

 

charles brun, fin des soldes 

mercredi 16 juillet 2025

Etranges figures

Emil Otto Hoppé 

 

je me suis vu dans deux miroirs
l'un était blanc l'autre était noir
je me déplaçais à l'envers

il n'y avait pas d'horizon
et je n'entendais pas un son
pas même l'écho d'un seul vers

la poésie n'est pas au monde
on a beau parcourir la terre
constater que les glaces fondent
et longer longtemps les parterres
 

des jardins où meurent les fleurs
et les sujets d'enluminures
on ne voit guère que des pleurs
ravager d'étranges figures

 

Jean-Claude Pirotte, Gens sérieux s'abstenir
Le Castor astral, 2014 

mardi 15 juillet 2025

La vie comme une ombre

 

Leonid Korovin

 

Emmanuel Bove est mort à 47 ans. Il y a tout juste 80 ans. Le 13 juillet 1945. 

France culture a pioché dans ses archives pour rediffuser récemment ce portrait de l'auteur de Mes amis.   

Claude Royet-Journoud y rencontrait Yves Martin, dit « lecteur de la première heure », grâce à un libraire du 17e arrondissement de Paris, et Raymond Cousse, qui deviendra avec Jean-Luc Bitton le biographe de Bobovnikov —il se suicidera en 1991, avant même la parution au Castor Astral de l'excellente biographie, Emmanuel Bove : La Vie comme une ombre. 

Ici, nous sommes en 1983. L'année où, grâce à mon ami Pascal, qui m'apprend à voler des livres, je découvre Emmanuel Bove.

 

 

 

samedi 12 juillet 2025

Dans le vide


Stanko Abadžic

 

le lendemain, 
disait-il
la gueule de bois,
sa force,
donnait l'envie 
d'une nouvelle vie

il avait passé la sienne
lancée à quelques semaines
de la première guerre
dans les tavernes
le cul des filles
— il les aimait estampillés —
et les livres de poésie

enfant illégitime
il ne vivait pas pour écrire
il écrivait parce qu'il vivait

parce qu'il avait vécu
un peu par miracle

Je vais te tuer !
avait gueulé fusil en main
le grand-père,
furibard d'apprendre que sa fille
était enceinte,
la traînant dans la cour
il lui ordonnait 
de se mettre à genoux
et pointait son arme sur elle
lorsque sa femme
qui avait le sens 
de l’à-propos, disait le poète,
surgit en gueulant à son tour
A table ! La soupe va refroidir !

comme allait l'indiquer
son prénom,
il serait aimé des dieux
comme le suggérait
son patronyme,
il s'attellerait à 
récolter les histoires
des piliers de comptoir
cheminots
ouvriers
magasiniers
voyageurs de commerce
courtiers d'assurance
emballeurs de vieux papiers
filles d'aubergistes
jeunes télégraphistes
récits condamnés pour 
grossièreté
pornographie
qu'on se refilerait
sous le manteau

il fallut pour cela
payer de sa personne
et des tonnes de tournées
parfois boire et écrire 
seul à une table
le soir au fond de la salle enfumée
oui, au Tigre d'or comme
à Ostende
la bière
on vous la servait
bien avant qu'on en redemande

empêché d'études par les Allemands 
de publication par les autorités
de son pays
il fut 
à plus de quatre-vingt balais
interdit 
de femmes
par le pouvoir médical
de gueule de bois
et de nouvelle vie
le lendemain,
Bohumil Hrabal
le plus libre des écrivains tchèques
trouva la force
de coller une table à la fenêtre
de sa chambre d'hôpital
et une fois debout
sur cette nouvelle scène
balancer à tous les censeurs
un ultime bras d'honneur
nous plongeant
dès lors dans une des plus bruyantes solitudes, 
dans le vide.

 

charles brun, ma bohème