Vincent Petitdemange était né dans les Vosges en 1990. En rupture de ban, cet ingénieur de formation est parti à l'aventure, à la marge, durant huit années. Et a décrit ce qui ressemble à son parcours dans un roman à paraître ces jours-ci aux précieuses éditions des Instants. Requiem au bord du jour en est le titre. Le fichier de ce texte a été retrouvé par la famille peu après le suicide de l'auteur en 2022. Extraits des premières pages.
(…) Ce n’est plus l’heure des barricades ni des martyrs. Le confort est passé par là. Il est rentré dans la viande, comme une seconde peau. Pousser un peu la voix de temps en temps, par hygiène, c’est tout ce que les revendicateurs peuvent se permettre.
Quoi qu’il en soit, le confort n’est pas un horizon. Ce n’est pas suffisant. Il faut tout de même un but dans la vie, un idéal, un fil où se raccrocher et le suivre coûte que coûte, même s’il conduit au néant. Il faut habiller son quotidien d’idéaux, d’horizons et d’idéaux, ainsi vêtu devient-il supportable.
(…) Aux élus et leurs séides, il leur poussaient les dents qu’ils avaient déjà fort longues. Il n’y avait plus de retenue qui tienne. Au point où ils en étaient, une hypocrisie de plus ou de moins, cela n’avait aucune importance. Pourquoi changer de cap ? Tant que le pourceau crache au bassinet, aucune raison d’effleurer le gouvernail. Seulement en bas dans les patelins, à Peirthe, à Sansoley comme ailleurs, la population commençait à s’empourprer qu’on les prenne pour des péquenots. Cela ne suffisait plus qu’on leur fasse les poches, fallait-il encore les mépri- ser. Les élus ne se comportaient plus autrement, ce qui en disait assez long. Lorsqu’on les met devant leurs privilèges, ils se dédouanent comme ils peuvent. D’abord, ils n’oublient jamais de rappeler qu’eux aussi sont des contribuables, comme tout le monde, des citoyens, des patriotes. Un peu moins patriote que citoyen sans doute. Le drapeau pour eux, c’est une jolie bavette. Ils rotent dedans et s’y essuient les babines, mais ils savent garder les apparences. Ils n’omettent pas de brandir la cocarde quand résonne le clairon. Tout cela est entendu. La population n’avait plus confiance. Cela faisait quelques années que l’abstention s’imposait, grimpait sur les scrutins, sur toutes les élections. Cette tendance n’était pas prête de s’infléchir. Le théâtre politicien avait perdu son éclat, son pimpant. Les tréteaux branlent, les comédiens bredouillent. Lorsqu’une élite perd son lustre, elle en perd aussi le nom. Alors le peuple, instinctif, bouillant soudain, lui vient des idées de meurtre. Nous en étions là.
Rencontre ce soir à 19 heures, à la librairie Le Verre Liseur en présence de l'éditeur, Stéphane Bernard, de la romancière Avril Bénard et du comédien Marin Langlois qui lira des passages du roman.
Le Verre Liseur, librairie-café, c'est au 82 boulevard Saint-Michel, dans le 6e arrondissement de Paris depuis un an environ. On tâchera d'y faire un tour ce soir.
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