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Stanko Abadžic |
le lendemain,
disait-il
la gueule de bois,
sa force,
donnait l'envie
d'une nouvelle vieil avait passé la sienne
lancée à quelques semaines
de la première guerre
dans les tavernes
le cul des filles
— il les aimait estampillés —
et les livres de poésie
enfant illégitime
il ne vivait pas pour écrire
il écrivait parce qu'il vivait
parce qu'il avait vécu
un peu par miracle
Je vais te tuer !
avait gueulé fusil en main
le grand-père,
furibard d'apprendre que sa fille
était enceinte,
la traînant dans la cour
il lui ordonnait
de se mettre à genoux
et pointait son arme sur elle
lorsque sa femme
qui avait le sens
de l’à-propos, disait le poète,
surgit en gueulant à son tour
A table ! La soupe va refroidir !comme allait l'indiquer
son prénom,
il serait aimé des dieux
comme le suggérait
son patronyme,
il s'attellerait à
récolter les histoires
des piliers de comptoir
cheminots
ouvriers
magasiniers
voyageurs de commerce
courtiers d'assurance
emballeurs de vieux papiers
filles d'aubergistes
jeunes télégraphistes
récits condamnés pour
grossièreté
pornographie
qu'on se refilerait
sous le manteauil fallut pour cela
payer de sa personne
et des tonnes de tournées
parfois boire et écrire
seul à une table
le soir au fond de la salle enfumée
oui, au Tigre d'or comme
à Ostende
la bière
on vous la servait
bien avant qu'on en redemandeempêché d'études par les Allemands
de publication par les autorités
de son pays
il fut
à plus de quatre-vingt balais
interdit de femmes
par le pouvoir médical
de gueule de bois
et de nouvelle vie
le lendemain,
Bohumil Hrabal
le plus libre des écrivains tchèques
trouva la force
de coller une table à la fenêtre
de sa chambre d'hôpital
et une fois debout
sur cette nouvelle scène
balancer à tous les censeurs
un ultime bras d'honneur
nous plongeant
dès lors dans une des plus bruyantes solitudes,
dans le vide.
charles brun, ma bohème
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