Stanko Abadzic |
Tu as dis : « J’irai par une autre terre, j’rai par une autre mer.
Il se trouvera bien une autre ville, meilleure que celle-ci.
Chaque effort que je fais est condamné d’avance ;
et mon cœur – tel un mort – y gît enseveli.
Jusqu’à quand mon esprit va-t-il endurer ce marasme ?
Où que mes yeux se tournent, où que se pose mon regard,
je vois se profiler ici les noirs décombres de ma vie
dont après tant d’années je n’ai fait que ruines et gâchis ».
Tu ne trouveras pas d’autres lieux, tu ne trouveras pas d’autres mers.
La ville te suivra partout. Tu traîneras
dans les mêmes rues. Et tu vieilliras dans les mêmes quartiers ;
c’est dans ces mêmes maisons que blanchiront tes cheveux.
Toujours à cette ville tu aboutiras. Et pour ailleurs - n’y compte pas -
il n’y a plus pour toi ni chemin ni navire. Pas d’autre vie : en la ruinant ici,
dans ce coin perdu, tu l’as gâchée sur toute la terre.
Constantin Cavafis, En attendant les barbares et autres poèmes,
Trad. Dominique Grandmont, Poésie/Gallimard
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