jeudi 15 août 2019

Heureusement

Ursula Arnold

La paresse c'est de bouger. D'avoir l'air de quelque chose, de quelqu'un, sachant très bien que c'est du flan. La paresse, c'est de croire, alors qu'on est sûr. La paresse, c'est, ce sont les hommes entre eux, qui se baratinent leurs idées, sachant très bien que rien ne fera loi sur ce qu'ils savent le mieux : l'horreur d'être dans un monde qui les laisse faire leur pelote sans soupçonner d'où vient la laine. La paresse, c'est l'amour absolu, rien n'étant plus paresseux que de vouloir se faire aimer par un autre infirme, et s'en donner la peine. La paresse, c'est se vouloir immortel dans un espace miné. Mais c'est la paresse qui donne à l'homme les clés de son meilleur travail.

Le temps, banque du monde.

Il n'y a qu'un moment qui m'intéresse chez l'homme, quoi qu'il fasse ou soit, c'est celui où il se retrouve seul, soit sur un banc de square, soit dans les chiottes, soit sur un lit d'hôpital. Et ce qu'il fait de ce moment.

Il y a un grand plaisir – immense – à être lucide, à jeun, clair, là. Un autre à être saoul, fou, démâté, quoique toujours là, de même. Tout est là.

Faites l'amour fréquemment, et rien ne vous paraîtra plus normal.
Cessez de le faire, et vous voilà y pensant comme à l'impossible absolu.

La vie intérieure, c'est chez l'animal.

Si le Christ avait écrit, ç'aurait sans doute été comme Kafka.

Je croise des femmes. Tiens, une femme ! Elles me regardent comme si j'étais une vache. Je n'imagine plus qu'une femme me regarde autrement que comme si j'étais une vache. C'est gai.

J'écris dans les trous.

D'une certaine poésie actuelle. On donne une pièce rarissime, invendable, inéchangeable, à un type qui meurt de faim, qui demande vingt sous pour acheter un bout de pain.

N'oublions jamais que les hommes dorment. Heureusement.


Georges Perros

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